NOM DE CODE ORNICAR

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 « Mais ou et donc or ni car ? » répète en boucle la maîtresse de sa voix sévère aux petits élèves en blouse de sa classe en ce matin d’automne où déjà il ne fait plus bon mettre le nez dehors. Les vents violents mais encore doux pour la saison arrachent les feuilles des tilleuls de la cour de récréation et sifflent dans les branches le refrain de ces nuits à 17 heures, bien trop courtes, de cette année scolaire qui n’en finira pas de s’étaler jusqu’au retour des beaux jours.

Mais en attendant, c’est reparti pour un tour : les dictées, les problèmes de mathématique, le calcul mental, la grammaire et tous ces devoirs, ces nombreux devoirs, ces trop nombreux devoirs pour de si petites épaules. Après les châteaux en Espagne, la douceur des soirées où se mêlent l’air marin à la lumière des patios bruyants, la vie nocturne où enfin l’on peut respirer un peu et chasser le grillon, le retour à la réalité assis sur un banc d’écolier semble presque brutal. Pourquoi faut-il toujours que l’été se retire en emportant avec lui tous ces instants de bonheur et laisse sa place à toutes ces tracasseries dès la rentrée scolaire fin septembre ?

« Mais ou et donc or ni car, mais ou et donc or ni car, mais ou et donc or ni car… » Les mots de la maîtresse résonnent et tourbillonnent dans la classe au-dessus des têtes qui attendent d’être soumis à la question. Aïe ! Qui va-t-elle choisir pour lui demander de réciter de façon orthodoxe la règle de droit des conjonctions de coordination ? Qui sera l’élu avec la bonne ou mauvaise réponse ? Les mains des gamins se crispent sur leur stylo, leurs regards fuient celui de l’inquisitrice, la température est montée d’au moins deux degrés Celsius dans la classe…

Mais où est donc passé Ornicar ? Ornicar ? Il ne le connaît pas ce Ornicar et il s’en fout ! Il a la tête déjà ailleurs, les yeux pleins d’étincelles rivés à un autre monde : celui de l’évasion et du rêve, de l’imagination et de l’aventure tandis que son esprit s’envole. Il s’est retiré paisiblement du présent, d’une matinée qu’il trouve un peu longue, de la tyrannie d’une maîtresse aux cheveux gris et à la sévérité d’un autre temps. Les conjonctions de coordination, la conjugaison, grammaire, orthographe ou calcul mental, tout cela est déjà bien lointain et pourra bien attendre demain. Alors, il n’écoute plus que d’une oreille et n’attend qu’une seule chose : ce moment de liberté totale, de voyage et d’aventure que permet l’imagination. Et c’est un voyage sans fin, sans limites dont on peut changer le cours et la destination à la vitesse de la pensée. Ce soir, il pourra se replonger dans les bouquins de sa Bibliothèque verte et disparaître dans le monde qu’il se créera au gré des histoires de son héros.

Et ce soir, c’est promis, il sera agent secret du Service National d’Information Fonctionnelle, le SNIF. Il vient juste de prendre connaissance de la mission que vient de lui confier son capitaine des opérations extérieures. Il doit tout d’abord rencontrer son collègue le sous-lieutenant Langelot à Orly. Puis, en compagnie de ce dernier, ils se feront larguer au-dessus d’Ibiza à la recherche d’un émetteur espion. Les rues et les bâtisses de pierres chauffées par les rayons d’un soleil ardent les mèneront vers des criques sauvages, des combats à mains-nues, quelques bobos sans gravité…

Et lentement, sans même y penser, sans un bruit et en douceur, son livre glissera de ses mains pour reposer à ses côtés tandis qu’il entrera dans le pays des rêves pour y poursuivre sans désemparer sa mission jusqu’au petit matin. Oui ! Il la mènera à bien sa mission – dont le nom de code mystérieux ORNICAR ne sera pas sans lui rappeler un p’tit quelque chose de déjà-vu. Après tout, il est un agent du SNIF spécialement entraîné pour ce genre d’opérations et son 22 long rifle ne le quitte jamais…

Puis, après la caresse maternelle de la nuit sur son front et toutes ces péripéties qui l’auront mené aux confins d’une vie dans la vie, le jour se lèvera de nouveau sur des paupières imprégnées de soif d’aventures.

Merci Lieutenant X

Bob ! reviens

 

14 commentaires Ajouter un commentaire

    1. ibonoco dit :

      Quelques souvenirs d’un autre temps

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  1. fauquetmichel dit :

    Je ne peux même pas dire que c’était le bon vieux temps car c’était pendant la guerre !!

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    1. ibonoco dit :

      Alors, cela ne l’était pas. Mais après la guerre, quel retour à la vie et à la liberté. 😊

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  2. Satané Ornicar, encore disparu celui-là !
    Sinon, c’est amusant les Langelot en bibliothèque verte, ça me rappelle mes jeunes années.
    Excellente journée à toi, John.

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    1. ibonoco dit :

      Excellente soirée à toi également. Je vais traquer chez les bouquinistes quelques Langelot pour compléter ma collection.

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  3. Merci car je découvre Langelot agent secret grâce à toi.. Passe une excellente soirée John 😊

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Frédéric,
      Langelot a été un bon compagnon de route.
      Excellente soirée également. C’est toujours un plaisir que de te croiser. 😊

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  4. princecranoir dit :

    Revenir à l’école en plein milieu des vacances scolaires, il fallait oser. Mais le parfum doux de la nostalgie remonte le fil des paragraphes et nous transporte à nos époques bénies.
    Merci.

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    1. ibonoco dit :

      Oui, je me suis dit qu’un peut de décalage était parfois bon. Il y a effectivement également beaucoup de nostalgie, surtout par rapport aux bouquins de la Bibliothèque verte

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  5. juliette dit :

    Ah ! notre tant regretté Bowie , il est un de mes héros , un prestidigitateur musical et il manque …personne ne le remplacera jamais …
    😘
    Bonne soirée John

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Juliette,
      Un héros – du rock – ce David.
      Bonne soirée Juliette 😊

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  6. provencale84 dit :

    Pas mal comme idée !

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