Je commence et recommence. Mais je n’avance pas. Chaque fois qu’elle atteint les lettres fatales, la plume recule : un interdit implacable me ferme le chemin. Hier, investi des pleins pouvoirs, j’écrivais sans peine, sur la première feuille disponible : un fragment de ciel, un mur (impavide devant le soleil et mes yeux), un pré, un autre corps. Tout me servait : l’écriture du vent, celle des oiseaux, l’eau, la pierre. Adolescence, terre labourée par une idée fixe, corps tatoué d’images, cicatrices resplendissantes ! L’automne menait paître de grands fleuves, accumulait des splendeurs sur les sommets de Mexico, phrases immortelles gravées par la lumière des les roches pures de l’étonnement.
Aujourd’hui, je lutte seul avec une parole. Celle qui m’appartient, celle à laquelle j’appartiens : pile ou face, aigle ou soleil ?
Octavio Paz (1914-1998) in Liberté sur parole (1949), Éditions Gallimard, nrf, poésie, 1966. Octavio Paz est un essayiste, considéré comme l’un des plus grands poètes de langue espagnole et diplomate mexicain. Alors qu’il réside en Espagne durant la guerre civile, il soutient la lutte des républicains. Il devient prix Nobel de littérature en 1990.
Ah Octavio Paz ! Il m’a promis de passer aux Belles Sources un de ces jours, et je sais qu’il le fera ! « La conscience des mots amène à la conscience de soi : à se connaître, à se reconnaître » dit-il. Mais dans ce texte magnifique, la sève qui court le long des veines de ses mots s’est-elle desséchée, tarie ? Ses mots auraient-ils atteint cette fulgurance, ce vertige des sommets de la poésie pour vivre, pour retomber lourdement, maladroitement, malheureusement, vidés de leur sens, de leur conscience, privés de cette sève nourricière ? Ses mots se seraient-ils desséchés, agonisant dans le désert sec, aride de sa conscience des mots que lui renvoient ces feuilles blanches ? Oh que non ! Il n’est qu’à lire ce magnifique texte pour s’en convaincre ! La conscience qu’a Octavio Paz des mots est si aigüe qu’elle nous brûle de sa lucidité, de sa lumière, de sa profondeur, de sa justesse ! Et oui, ses mots ronds, pleins, souples, fluides sont gorgés de vie, d’élan, d’énergie. Et même quand il parle de la mort, c’est de vie qu’il est question. Sublime texte Ibonoco! On aime ces poètes qui fouillent la vie, l’humain, les vivent jusque dans leurs tréfonds. C’est toute la poésie pour vivre et bien plus encore, et Octavio Paz en fait partie! Merci beaucoup Ibonoco pour ces beaux et précieux instants que vous nous offrez!
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J’attends avec intérêt le passage d’octavio Paz
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J’attends avec impatience le passage d’Octavio Paz aux Belles sources. J’aime aussi l’homme durant la guerre civile espagnole qui a su prendre ensuite de la distance par rapport à certains organismes politiques parce que justement, il savait observer avec acuité le monde qui l’entourait. Il avait « l’oil » et les mots pour lui.
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On ne peut plus! (rapport à la dernière phrase). Je tâcherai de le presser un peu!, C’est qu’il est très sollicité ce grand Monsieur! Merci en tout cas pour ce double retour Ibonoco et belle soirée à vous..
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Belle soirée à vous également.
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Merci!
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Laissons le champ libre aux mots
nous serons alors libres sur parole
notre chant jusqu’au dernier rejoindra celui de l’oiseau
Entends-tu Ibonoco dans le tumulte des voix du monde
le son de la flûte-oiseau?
juste trois petites notes flutées dans un écrin de plumes.
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Une flûte enchantée ?
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J’entends, j’entends l’appel des mots.
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