Stevie Wonder – You Are The Sunshine Of My Life
Elle est une phrase dans le vent, effeuillant délicatement ma peau de chagrin à chacun de ses mots, à chacune de ses caresses de la main sur le front de ma tendresse quand on est tous les deux, rien que tous les deux, assis bien sagement sur le bord du lit. Tout est bien. Tout est sain. Tout est câlin. La passion gronde sourdement dans les nuages et les illuminent intensément en de brefs instants, toujours déchirant l’horizon de ses râles atomiques, toujours te révélant un peu plus, montrant au monde entier les fines courbes de ton corps.
À tout moment, le ciel – instable – chargé d’hormones en ébullition, de laves en fusion, menace de se rompre et de déverser sur mes désirs le grain de folie que souvent j’attends avec impatience, que souvent j’aime à embrasser avec envie. Azurément, l’amour n’est pas loin. Azurément, l’amour se rapproche. Assurément, l’amour n’est pas loin, l’amour est proche. Je puis déjà l’entendre me murmurer des propositions indécentes qui s’envolent dans le vent à chacune de tes douces caresses…
Elle est cet arc-en-ciel quand il pleut à grosses gouttes…, quand il pleut à grosses gouttes par une chaude journée d’été sur mon corps ruisselant, les cheveux trempés, dégoulinants mais à ce moment très précis, heureux d’être en vie, de sentir le contact apaisant de cette eau tiède sur ma peau asséchée, tarie par l’amertume de certains goûts amers dans le fond de ma gorge. Mais après la passion, l’orage, la pluie, le désir et l’envie point de beau temps…
Elle est une onde dans l’iris vert-marron de cette belle femme quand son fils la regarde, elle, sa mère, sa maman – la plus belle du monde – avec amour, candeur, vénération et qu’il voit plein de petites lumières mouillées dans ses yeux scintillant de mille feux, hurlant mille douleurs pendant mille nuits, en silence. En silence ! En silence pour ne pas l’effrayer ce petit garçon, ce petit bonhomme parce que sa peine à elle n’est pas sa peine à lui, parce que sa vie à elle n’est pas sa vie à lui, que son histoire n’est pas son histoire et parce que son fardeau n’est pas encore le sien…
Elle est cette onde de chagrin perdue à la surface d’un verre de vin qui jamais ne s’éteint lorsqu’elle atteint le bord, qui toujours revient comme un boomerang et me heurte de plein fouet, qui toujours me gifle quand j’aperçois dans ses yeux toutes ces petites étoiles mouillées, éclaboussées par une envie d’en finir, de partir seule, très loin, de tout quitter, même la vie.
Elle devient alors cette onde de vin qui alors la submerge de toute sa puissance, de toute son ivresse, de toute sa force tannique, qui lui violace les dents et les lèvres jusque dans son sommeil le plus profond.
Elle est cette onde de tristesse qui me tend et prend délicatement la main le lendemain quand tout est clair devant le miroir, quand le ciel est bleu au-dehors, par-delà les murs de sa maison, en dehors de sa prison, bien au-delà de l’horizon, là où tout se rencontre, là où tout se réconcilie, là où une simple caresse passée dans ses cheveux suffit à l’apprivoiser. Mais tout d’un coup, brusquement, elle serre les mâchoires de plus en plus fortement à s’en faire grincer les dents.
L’envie – tenace – refait peu à peu surface. Elle devient pressante ! Urgente ! Impérieuse ! C’est bien plus fort qu’elle. Elle résiste quelques instants, quelques secondes, une éternité… Elle résiste tout ce qu’elle peut. Elle résiste, résiste encore et puis finalement, c’est toujours le même refrain. Elle dit qu’elle n’a qu’une vie, qu’elle est majeure, et qu’elle fait ce qu’elle veut. Après tout, c’est vrai, elle fait ce qu’elle veut. Elle a toujours fait ce qu’elle voulait…
Mais là, ici et maintenant, elle veut simplement retrouver l’euphorie, la liberté, le bonheur d’un instant, cette superbe délivrance des chaînes du présent, de sa routine quotidienne, de son corps qui l’encombre, de son âme qui ne cesse de pleurer, apeurée. Elle veut vivre, crier – avec toute sa rage, le poing fermé – cette vie qui lui fait tant mal depuis si longtemps, qui ne la respecte pas, qu’elle ne respecte plus, qui la malmène.
Vivre enfin ! et s’affranchir de tout. Vivre, s’affranchir d’un mari qui la juge. Vivre et s’affranchir d’un mari qui est toujours derrière elle à compter le nombre de canons qu’elle s’enfile, à la poursuivre toujours énervé, irrité qu’elle se noie dans un verre de vin, qu’elle se noie…, qu’elle se noie chaque jour un peu plus. Vivre, s’affranchir un moment de ses propres enfants qu’elle dit pourtant adorer plus que tout – au premier amant venu. Elle le sait dans ses tripes, elle mourrait pour eux. Hélas ! Si seulement ! Tout serait terminé. Souvent, elle se sent trop lasse pour cette vie de famille. Travailler, rentrer à la maison, nettoyer, faire les poussières, préparer le repas, aider les enfants pour leurs devoirs, les coucher, aspirer, laver le sol, le linge, le repasser. C’est trop ! Elle veut prendre ses jambes à son cou , fuir et peut-être revenir plus tard, sortir de cette coquille qui l’étouffe. Cette vie n’est pas la sienne, elle n’est pas ce dont elle avait rêvé étant petite. Elle l’attend encore son prince charmant, elle l’espère.
Alors, sa main se referme sur un autre verre sans attraper la mienne. Il est déjà trop tard pour aujourd’hui. Le soir est là ! Le matin a cédé sa place à la journée, la journée, la sienne aux démons, tandis qu’elle, elle meurt à petit feu parce que le vin la rend toute‑puissante.
Et elle, elle crève jour après jour parce qu’elle fait ce qu’elle veut, parce que c’est ce qu’elle veut. Il est loin le temps des amours azurément fous.
Et elle, elle fait crever les autres parce qu’en fait, elle s’en fout des autres. In vino libertas ! Hélas !
John Ibonoco
Stevie Wonder – You Are The Sunshine Of My Life
She is a phrase in the wind, delicately peeling away the sadness clinging to my skin with every word she speaks, with every soft caress of her hand brushing across the forehead of my tenderness when it’s just the two of us, only the two of us, sitting quietly on the edge of the bed. Everything is good. Everything is pure. Everything is tender. Passion rumbles low in the clouds, briefly illuminating them with flashes of intensity, tearing the horizon apart with atomic moans, revealing a little more of you each time, showing the world the graceful curves of your body.
At any moment, the sky—unstable, charged with hormones on the boil, with molten desires—threatens to break and pour down a storm of madness on my longing. A madness I often wait for with impatience, a madness I love to embrace with desire. Azurément, love is near. Azurément, love is closing in. Assuredly, love is near; love is close.* (« Azurément » is a play on words, blending « azure » (the blue of the sky) and « assurément » (assuredly) to suggest that love is both certain and as present as the sky above.) I can already hear it whispering indecent proposals, drifting in the wind with every tender touch of yours…
She is that rainbow when heavy summer rain falls in warm sheets, soaking my body, my dripping hair, but at that precise moment, I am happy to be alive. Happy to feel the soothing touch of warm water on my skin, dried out by the bitterness of certain harsh tastes lingering in the back of my throat. But after passion, after the storm, the rain, and desire—there is no fair weather to be found.
She is the glint in the green-brown iris of a beautiful woman when her son looks at her—his mother, his mom, the most beautiful woman in the world—with love, innocence, and reverence. And he sees tiny, wet lights shimmering in her eyes, burning with a thousand silent pains from a thousand sleepless nights. Silent! Always silent, so as not to frighten the little boy, the little man, because her burdens are not his, because her life is not his life, her story is not his story, and her weight is not yet his to carry…
She is that ripple of sorrow on the surface of a glass of wine that never fades when it reaches the rim. It always returns like a boomerang, striking me full force, slapping me again when I see those wet stars in her eyes—stars splashed by the desire to end it all, to leave everything behind, even life itself. And then, she becomes that wave of wine, swallowing her whole with its power, its intoxication, its tannic grip, staining her teeth and lips even in her deepest sleep.
She is that wave of sadness that gently takes my hand the next day when everything is clear in the mirror. When the sky is blue beyond the walls of her house, beyond her prison, far beyond the horizon where everything meets, where everything reconciles. There, a simple stroke of her hair is enough to soothe her. But suddenly, she clenches her jaw tighter and tighter until her teeth grind with the strain.
The craving—relentless—resurfaces. It grows urgent. Insistent. Overwhelming! It is stronger than she is. She resists for a moment, for seconds, for an eternity… She resists with everything she has. She resists, and resists again, but in the end, it is always the same story. She says she only has one life. She says she’s an adult and can do whatever she wants. And after all, it’s true—she does what she wants. She’s always done what she wanted…
But here, now, she just wants to feel the euphoria again. To feel free. To taste happiness for an instant. That exquisite release from the chains of the present, from her daily grind, from the body that burdens her, from the soul that won’t stop crying, trembling with fear. She wants to live, to scream—fist clenched—at this life that has hurt her for so long, that doesn’t respect her, that she no longer respects, that is breaking her apart.
To live, finally! And to break free from everything. To break free from a husband who judges her. To break free from a husband who is always watching, counting every drink she downs, always chasing after her in anger, irritated that she drowns herself in a glass of wine—drowns, drowns a little more every day. To live and to break free, for a while, even from her own children, whom she swears she loves more than anything. And in her gut, she knows she would die for them. If only she could. If only. Then it would all be over. Often, she feels too tired for this family life. Work, come home, clean, dust, cook, help the kids with homework, put them to bed, vacuum, wash the floor, the laundry, iron it. It’s too much! She wants to run away, to flee and maybe come back later. To escape the shell that suffocates her. This life isn’t hers. It’s not what she dreamed of as a little girl. She is still waiting for her prince charming. She still hopes.
And so, her hand wraps around another glass without reaching for mine. It’s already too late for today. Evening has come. Morning has given way to the day; the day, to her demons. And she dies a little more each day because the wine makes her feel invincible.
And she, she is dying every day because she does what she wants—because this is what she wants. The days of azurément mad love are long gone.
And she, she makes others die a little, too, because the truth is, she doesn’t care about anyone else. In vino libertas! Alas!
John Ibonoco
❤️
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Thank you my friend
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Votre texte est vraiment très fort…
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Merci Domi. Sincèrement.
Cela faisait déjà un petit moment que je l’avais écrit, réécrit… Sortir sous une autre forme, plus courte.
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En le retravaillant, vous lui avez donné de la force.
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Merci Domi.
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