
(Réédition du 29 mars 2019)
PERRACHE
Perrache, quartier de Lyon dont l’origine remonte à l’Ancien régime et au nom de famille de son promoteur Antoine-Michel Perrache, sculpteur et ingénieur de formation durant les années 60-70… au 18ème siècle.
A cette époque, Lyon est encore sauvage par certains côtés. Il reste à dompter ses rivières et repousser le confluent du Rhône et de la Saône vers le Sud pour que naisse la presqu’île de Perrache. D’autres quartiers comme celui des Brotteaux sont également insalubres et marécageux. On y meurt encore de la moindre petite fièvre ou d’un petit coup de vent et de froid sur les bronches… La modernité et l’hygiénisme marchent à grand pas sur la ville… la Révolution aussi. Cette dernière ne tardera pas à venir faucher quelques petites têtes qui dépassent, à se répandre en Terreur et vouloir effacer toutes traces de son existence. « Le nom de Lyon sera effacé du tableau des villes de la république et portera désormais le nom de Ville affranchie ».
Perrache aujourd’hui… Une autre époque, une autre histoire, un autre air, une autre musique, la même presqu’île. Un quartier devenu tristounet avec sa gare ferroviaire d’un autre siècle, vieillotte, tout en long, aux commerces mourants de langueur et de manque d’air, avec ses couleurs ternies par une architecture où la pierre et la ferraille du 19ème se mêlent aux structures futuristes en béton des années 70 d’un centre d’échanges routier. Quand la modernité sans cesse dépassée devient laide, il ne reste plus grande-chose à faire sinon que de fuir en avant en espérant trouver un peu de beauté éphémère dans l’imagination d’un architecte visionnaire et moderniser encore…
Perrache du matin au soir : métro, boulot, dodo, police, migrants, mendiants, contrôleurs TCL, clodos, junkies, tramway, bus et autoroutes, tout y est. Entre le cours de Verdun et la place Carnot, frontière entre deux mondes d’un même arrondissement, tout un écosystème s’est développé au fil des décennies. Quand vient la nuit du côté de la place, une véritable cour des miracles apparaît et révèle la véritable pauvreté de la ville, les oubliés et les exclus, ceux que l’on ne regarde jamais. La pauvreté est peut-être contagieuse, ne sait-on jamais ? Durant la journée, des milliers d’âmes se croisent le temps d’un regard furtif, le pas rapide – toujours rapide – , le temps de disparaître emportées par les flots d’une marée humaine aux quatre coins de la capitale des Gaules. Des milliers de voix, de bruits, d’accents colorés, épicés, chauds s’élèvent vers le ciel pour disparaître dans le néant de l’anonymat.
Perrache, 19 heures 20, un soir de semaine comme un autre…il fait déjà nuit en cette fin février. De nombreux trains sont encore affichés sur le panneau des arrivées. Dans le hall de la gare, des voyageurs voyagent, des passants passent, des clodos dorment ou font la manche, des guetteurs guettent la police ou le client, de petits groupes de femmes et d’hommes papotent quelques minutes avant de se séparer. La journée de travail est terminée mais l’on sait encore prendre quelques instants avant de rentrer chez soi, bien au chaud, après une authentique journée de début printemps et ses giboulées alors que l’on est encore en hiver – celui-ci n’aura pas été très présent cette année.
Perrache, triste et vieux quartier, tu t’essouffles un peu plus chaque jour mais demain c’est promis, on s’occupera de toi.
John Ibonoco
PERRACHE
Perrache. A neighborhood in Lyon whose roots stretch back to the Ancien Régime, named after its original developer, Antoine-Michel Perrache—sculptor by trade, engineer by training—working in the 1760s and 70s… the 18th century kind.
Back then, Lyon was still wild in parts. Its rivers needed taming. The confluence of the Rhône and the Saône had to be pushed southward to give birth to the peninsula that would bear Perrache’s name. Other districts, like Brotteaux, were swampy, unsanitary. People still died from a simple chill, a light fever, or a gust of cold air that settled into their lungs. Modernity was marching in, alongside the gospel of hygiene… and the Revolution, too. It wouldn’t be long before heads began to roll, the Terror spread like wildfire, and history tried to erase itself. “The name of Lyon shall be stricken from the list of cities of the Republic,” the decree read. “It shall henceforth be known as the Liberated City.”
Perrache today? Another time, another story, a different rhythm, a different song—but the same peninsula. A once-hopeful district that’s grown tired, faded. Its railway station feels like a relic from another era—long, dated, dying shop by shop, gasping for breath beneath layers of soot and neglect. Nineteenth-century stone and iron mingling awkwardly with the brutalist concrete of the 1970s highway exchange. When yesterday’s future becomes today’s eyesore, what’s left to do but flee forward, clinging to the fleeting beauty of some visionary architect’s dream, and modernize once more…
Perrache, from morning till night: subway, work, sleep. Cops, migrants, beggars, ticket inspectors, drunks, junkies, trams, buses, highways—it’s all there. Between Cours de Verdun and Place Carnot, the fault line between two halves of the same arrondissement, an entire ecosystem has grown over the decades. When night falls around the square, a modern-day Court of Miracles emerges, revealing the city’s raw underbelly—the forgotten, the discarded, the ones we never look at. Poverty might be contagious, who knows?
By day, thousands of souls cross paths in fleeting glances, hurried steps—always hurried—before dissolving into the tides of humanity rushing through the arteries of the capital of Gaul. Voices rise in every tongue, every flavor—spiced, warm, sharp—only to vanish into the void of anonymity.
Perrache, 7:20 PM. A weekday evening like any other. It’s already dark, late February. Trains still flicker across the arrival board. In the station hall, travelers travel, passersby pass. Some sleep rough, some beg for coins. Lookouts eye the cops—or their clients. Small knots of men and women chatter for a few more minutes before heading their separate ways. The workday is done, but there’s still time to savor a sliver of pause before heading home, into warmth, after a spring-like day of sudden rainbursts, though it’s still officially winter—what little there was of it this year.
Perrache, sad and aging quarter, you’re running out of breath a little more each day. But tomorrow—tomorrow, we promise—we’ll take care of you.
John Ibonoco
💛
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😉
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ce vieillissement est hélas le lot de bien des bâtiments. Je ne connais pas Perrache, j’arrivais toujours à La Part-Dieu qui est, elle, une gare bien vivante et que je trouve très structurée. Merci de cet article mélancolique John et bon dimanche
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Perrache est une veille gare, avec celle des Brotteaux qui a été remplacée par La Part Dieu. Mai la structure a été conservée et bien reconvertie. Le passé est encore là palpable.
Belle soirée
John
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Bonjour John, tu as bien décrit l’évolution des gares, certaines comme Troyes viennent d’être refaites et j’avoue , ont une belle allure, le quartier de la gare la journée n’est pas « mal famé » mais la nuit … et bien je ne sais pas ce n’est plus moi qui va chercher Zélia le vendredi soir et j’avoue que j’aime autant car je ne serais pas bien rassurée, tu me diras elle a connu la gare du Nord lors de son séjour en Angleterre, et pour faire pire , je crois qu’il n’y a pas. Bisous bon après-midi MTH
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Bonsoir Marie,
Les gares sont souvent le croisement de populations qui vont et viennent, squattent la journée… Et la gare du Nord en est un bonne exemple… malheureusement.
Bisous et amitiés
John
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