Fuck! I’m gonna be hungover again!

le

L’ALCOOL

 

Mes illusions donnent sur la cour
Des horizons j’en ai pas lourd
Quand j’ai bossé toute la journée
Il ne me reste plus pour rêver
Qu’les fleurs horribles de ma chambre
Mes illusions donnent sur la cour
J’ai mis une croix sur mes amours
Les p’tites pépées pour les toucher
Faut d’abord les allonger
Sinon c’est froid comme en décembre

Quand le soir venu j’m’en reviens du chantier
Après mille peines et le corps harassé
J’ai le regard morne et les mains dégueulasses
De quoi inciter les belles à faire la grimace
Bien sûr y a des filles de joies sur le retour
Celles qui mâchent le chewing-gum pendant l’amour
Mais que trouverais-je dans leur corps meurtri
Sinon qu’indifférence et mélancolie
Dans mes frusques couleur de muraille
Je joue les épouvantails

Mais nom de Dieu dans mon âme
Brûlait pourtant cette flamme
Où s’éclairaient mes amours
Et mes brèves fiançailles
Où s’consumaient mes amours
Comme autant de feux de paille
Aujourd’hui je fais mon chemin solitaire
Toutes mes ambitions se sont fait la paire
J’me suis laissé envahir par les orties
Par les ronces de cette chienne de vie

Mes illusions donnent sur la cour
Mais dans les troquets du faubourg
J’ai des ardoises de rêveries
Et le sens de l’ironie
J’me laisse aller à la tendresse
J’oublie ma chambre au fond d’la cour
Le train de banlieue au petit jour
Et dans les vapeurs de l’alcool
J’vois mes châteaux espagnols
Mes haras et toutes mes duchesses

À moi les petites pépées les poupées jolies
Laissez venir à moi les petites souris
Je claque tout ce que je veux au baccara
Je tape sur le ventre des Maharajas
À moi les boîtes de nuit sud-américaines
Où l’on danse la tête vide et les mains pleines
À moi ces mignonnes au regard qui chavire
Qu’il faut agiter avant de s’en servir
Dans mes pieds-de-poule mes prince-de-galles
En douceur je m’rince la dalle

Et nom de Dieu dans mon âme
V’la que j’ressens cette flamme
Où s’éclairaient mes amours
Et mes brèves fiançailles
Où se consumaient mes amours
Comme autant de feux de paille
Et quand les troquets ont éteint leurs néons
Qu’il ne reste plus un abreuvoir à l’horizon
Ainsi j’me laisse bercer par le calva
Et l’ dieu des ivrognes guide mes pas

(1958)

 

Lucien Ginsburg dit Serge Gainsbourg (1928 – 1991), in Mon propre rôle, Folio, Editions Denoël, 1987, 1991, pp. 26-28., est un célèbre auteur-compositeur-interprète mais aussi poète, pianiste, artiste peintre, scénariste, metteur en scène, écrivain, acteur et cinéaste français, fils d’immigrants russes juifs. Durant la guerre, la famille Ginsburg est déchue de la nationalité française. Après la libération, Serge Gainsbourg, en échec scolaire, quitte le lycée Condorcet peu avant le bac pour s’inscrire ensuite aux Beaux-Arts… Boris Vian sera pour lui un véritable révélateur lorsqu’il le verra se produire au cabaret Milord l’Arsouille. Embauché par Francis Claude, directeur du cabaret, il interprétera son propre répertoire dont Le Poinçonneur des Lilas..

 

 

THE ALCOHOL

 

My illusions are overlooking the courtyard
I don’t have a lot of horizons.
When I’ve been working all day
I don’t have enough left to dream about
That the horrible flowers in my room
My illusions are overlooking the courtyard
I have forgotten my loves
The little dolls to touch them…
First you have to lengthen them
Otherwise it’s cold like December

When the evening comes I come back from the construction site
After a thousand pains and the harassed body
My eyes are dull and my hands are disgusting.
Enough to incite the beautiful to make a grimace
Of course there are some happy girls at the end of theiir career
The ones who chew gum during sex…
But what would I find in their battered bodies
Other than indifference and melancholy…
In my wall-colored frusques
I play the scarecrow

But for God Sake in my soul
Burned that flame…
Where my love was illuminated
And my brief engagement
Where my loves were consumed
Like so many straw fires
Today I make my lonely way
All my ambitions have been matched
I let myself be overwhelmed by nettles…
By the brambles of this bitch of life

My illusions are overlooking the courtyard
But in the faubourg bars
I’ve got expense reports of rêverie.
And the sense of irony
I let myself go to tenderness
I forget my room at the back of the yard.
The commuter train in the daylight
And in the fumes of the alcohol
I see my Spanish castles
My stud farms and all my duchesses

To me little dolls, pretty dolls…
Let the little mice come to me
I’ll slam anything I want at baccarat.
I punch the Maharajas in the belly
I own the South American nightclubs
Where one dances with an empty head and full hands…
I’m the one with the cute eyes that capsize…
That you should shake it before using it.
In my houndstooth my Prince of Wales…
Gently I rinse off the slab

And for God Sakein my soul
Now I feel that flame.
Where my love was illuminated
And my brief engagement
Where my loves were consumed
Like so many straw fires
And when the bars turned off their neon lights
That there’s not a drinker left on the horizon
So I let myself be lulled by the calvados…
And the god of drunks guides my steps…

(1958)

 

Lucien Ginsburg dit Serge Gainsbourg (1928 – 1991), in Mon propre rôle, Folio, Editions Denoël, 1987, 1991, pp. 26-28, is a famous singer-songwriter but also a poet, pianist, painter, screenwriter, director, writer, actor and filmmaker from France, the son of Russian Jewish immigrants. During the war, the Ginsburg family lost French nationality. After the liberation, Serge Gainsbourg, who had failed at school, left the Lycée Condorcet shortly before the baccalaureate to enrol at the Beaux-Arts. Boris Vian was to be a real revelation when he saw him perform at the Milord l’Arsouille cabaret. Hired by Francis Claude, director of the cabaret, he will perform his own repertoire including Le Poinçonneur des Lilas…

 

 

8 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Beau texte, mais sombre!

    Aimé par 1 personne

    1. ibonoco dit :

      Les.debuts d’un grand chanteur et poète

      J’aime

  2. colettedc dit :

    Il est tout plein de talent ! Triste, hélas, son écrit mais, si bien dit !
    Bon week-end John,
    Aminité♥

    Aimé par 1 personne

    1. colettedc dit :

      … Amitiés♥ … bien entendu …

      Aimé par 1 personne

    2. ibonoco dit :

      Bonjour Colette et merci
      Bon week-end également
      Amitiés
      John

      Aimé par 1 personne

  3. marie dit :

    Coucou John derrière cet artiste , il faut découvrir son extr^me sensibilité, sa dérision, je l’aimais bien Gainsbourg Bisous MTH

    Aimé par 1 personne

    1. ibonoco dit :

      Bonjour Marie,
      Pour moi, le grand Serge reste l’un de nos meilleurs artistes, et comme tu le soulignes d’une grande sensibilité.
      Amitiés
      Bises
      John

      Aimé par 1 personne

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