QUAND JE CONTEMPLE LES ÉTOILES
Quand je contemple les étoiles,
Au loin, au profond, dans l’ailleurs,
Il me semble parfois
Qu’un très vieux vent
Ancestral et lent
Verse et répand le sable d’un désert,
Un nuage sur la campagne et sur les villes.
Pistes, chemins vivants et joyeux – enterrés,
Et les esprits clairs – refermés.
Pères âgés, maintenant apaisés,
Que leurs enfants n’écoutent plus.
Vielles mères désaccordées
Papotant avec elles-mêmes.
Les malheurs deviennent néant comme les mouches,
Les bonheurs aussi agaçants que les moustiques.
De vertes tiges poussent
On les dirait élevées par des mains
Les valles soulevées à l’égal des montagnes,
Et la terre carrée, la brume rouge du désert.
Dans la brume rouge se traînent
De longues chiennes grises,
Étonnamment longues et grises,
Escortées d’une puanteur,
Poursuivies par des chiots,
Une horde blanche et hirsute,
Chiots plus nombreux que le pis de leurs mères,
Dépourvus d’yeux,
Petits naseaux noirs et muets,
Haletant et voraces.
Et dans la brume rouge du désert,
Une petite troupe épouvantée
Avec ses tentes lacérées,
Une angoisse, une peur brutale
Qui peut tomber du ciel,
De chaque tour et détour de ce monde
Sur nous.
Pourtant, nous sommes tous, possesseurs de divinités,
Nous les avons, pris de panique, ensevelies,
Cachées dans des pots,
Nous avons honte,
Nous avons peur de les prier, de les servir,
Nul d’entre nous ne pourrait dire clairement
Si nous sommes issus, si nous sommes issus vraiment,
D’une ancienne et fière légende,
Nous comprenons seulement avec crainte
Que Moïse est mort,
Qu’Aaron est mort,
Et c’est pourquoi il est si dur
SI dur et périlleux de faire un pas.
Leib Kvitko, Lev Moïsseïevitch Kvitko, in Anthologie de la poésie Yiddish, NRF, Poésie Gallimard, Editions Gallimard, Paris, 2000, pp. 219-220, était un poète soviétique et écrivain en langue yiddish, né le 11 novembre 1890 à Oleskovo (aujourd’hui en Ukraine), dans l’Empire russe, et exécuté le 12 août 1952 à Moscou par le NKVD (dans l’immeuble Loubianka, QG de le la Tchékà et le KGB), en Union soviétique. Il est reconnu comme l’un des principaux poètes yiddish du début du XXe siècle.
Kvitko a grandi dans un contexte marqué par la vie juive traditionnelle et les bouleversements sociopolitiques de son époque. Il a vécu la révolution russe de 1917, la guerre civile russe et les premières années de l’Union soviétique. Son travail poétique reflète souvent les thèmes de l’identité juive, de la vie quotidienne, des aspirations révolutionnaires et des luttes sociales.
En tant que poète yiddish, Kvitko a contribué de manière significative à la préservation et à l’évolution de la langue yiddish dans la littérature. Ses poèmes traitent souvent des expériences et des émotions profondes, touchant à la fois les réalités de la vie juive et les idéaux universels de justice sociale et de liberté.
Pendant la période stalinienne en Union soviétique, Kvitko a connu des difficultés en raison de la répression politique et de la persécution des écrivains juifs. Malgré cela, il a continué à écrire et à publier ses œuvres, bien que parfois avec des thèmes plus conformes à l’idéologie soviétique.
Lev Moïsseïevitch Kvitko est décédé en 1952, mais son héritage littéraire persiste en tant que contribution importante à la poésie yiddish et à la richesse culturelle de la communauté juive en Europe de l’Est. Ses poèmes ont été traduits dans plusieurs langues, permettant à son œuvre d’atteindre un public plus large au fil du temps.
John Ibonoco
WHEN I CONTEMPLATE THE STARS
When I contemplate the stars,
Distant, deep, in the beyond,
It sometimes seems to me
That a very old wind,
Ancestral and slow,
Pours and spreads the sand of a desert,
A cloud over the countryside and the cities.
Tracks, lively and joyful paths – buried,
And clear minds – closed.
Aged fathers, now appeased,
Whom their children no longer listen to.
Discordant old mothers
Chattering with themselves.
Misfortunes become nothingness like flies,
Happiness as annoying as mosquitoes.
Green shoots grow
They seem raised by hands
Valleys lifted equal to mountains,
And the square earth, the red mist of the desert.
In the red mist crawl
Long gray bitches,
Surprisingly long and gray,
Accompanied by a stench,
Chased by puppies,
A white and shaggy horde,
Puppies more numerous than their mothers’ udders,
Devoid of eyes,
Small black and mute nostrils,
Panting and voracious.
And in the red mist of the desert,
A frightened little troupe
With its torn tents,
An anguish, a sudden fear
That can fall from the sky,
From every tower and turn of this world
Upon us.
Yet, we are all possessors of deities,
We have them, in panic, buried,
Hidden in pots,
We are ashamed,
Afraid to pray to them, to serve them,
None of us could say clearly
If we are descended, if we are truly descended,
From an ancient and proud legend,
We understand only with fear
That Moses is dead,
That Aaron is dead,
And that’s why it is so hard
So hard and perilous to take a step.
Leib Kvitko, Lev Moïsseïevitch Kvitko, in Anthologie de la poésie Yiddish, NRF, Poésie Gallimard, Editions Gallimard, Paris, 2000, pp. 219-220, was a Soviet poet and writer in the Yiddish language, born on November 11, 1890, in Oleskovo (now in Ukraine), in the Russian Empire, and executed on August 12, 1952 executed by the NKVD, in Moscow (at the Lubyanka building, headquarters of the Cheka and the KGB), in the Soviet Union. He is recognized as one of the leading Yiddish poets of the early 20th century.
Kvitko grew up in a context marked by traditional Jewish life and the socio-political upheavals of his time. He lived through the Russian Revolution of 1917, the Russian Civil War, and the early years of the Soviet Union. His poetic work often reflects themes of Jewish identity, daily life, revolutionary aspirations, and social struggles.
As a Yiddish poet, Kvitko made significant contributions to the preservation and evolution of the Yiddish language in literature. His poems often explore deep experiences and emotions, touching on both the realities of Jewish life and the universal ideals of social justice and freedom.
During the Stalinist period in the Soviet Union, Kvitko faced difficulties due to political repression and the persecution of Jewish writers. Nevertheless, he continued to write and publish his works, sometimes aligning with Soviet ideology.
Lev Moïsseïevitch Kvitko passed away in 1952, but his literary legacy endures as a significant contribution to Yiddish poetry and the cultural richness of the Jewish community in Eastern Europe. His poems have been translated into several languages, allowing his work to reach a broader audience over time.
John Ibonoco
Intéressant ! merci à toi pour la découverte.
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Je t’en prie mon ami.
Passe une bonne fin de soirée.
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🌟🌟🌟
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🦋😇🦋
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