Lettre à ma sœur
Ma très chère sœur,
Nous nous connaissons depuis combien de temps ? Peut-être trente ? quarante ans ? et même bien plus ? Une vraie tranche de vie pour un adulte ! Une éternité pour l’enfant sommeillant encore quelque part en lui ! Une éternité colorée aux parfums de mes souvenirs… mais peuplée aujourd’hui des fantômes et ombres du passé, des échos lointains de nos éclats de rires des cours de récréation, des vestiges d’une fraternité broyée par le tic-tac régulier et implacable du temps et de ses intempéries.
Ma très chère sœur, ne m’oublie pas, ne nous oublie pas. Nous avons grandi ensemble, certes lentement mais sûrement, pas à pas sur ce long chemin, celui qui t’emporte à tout jamais vers le tourbillon de la vie – comme le chantait Jeanne Moreau. Et un jour, ce tourbillon t’a emportée très loin de moi, trop loin de moi, et tu tournes depuis sur toi-même comme une âme en peine préférant t’éclairer aux lumières illusoires et égoïstes d’une vie qui passe trop vite, d’une vie qui cherche à reprendre son souffle, d’une vie sans étincelles ni magie. La magie ? Cela fait longtemps qu’elle s’est barrée avec la caisse pour ne te laisser que la monotonie de tous ces matins gris, pluvieux que tu as pourtant choisie.
Nous nous tenions l’un à côté de l’autre, les meilleurs amis du monde, de notre monde, toujours ! Nous marchions, l’un suivant l’autre sur le chemin de l’école, de classe en classe, grandissant au fil du temps sous le soleil de notre printemps qui n’en finissait pas de nous réchauffer de son bonheur quotidien… Te souviens-tu encore de ces nuits où partageant la même chambre nous rigolions ensemble comme des fous, chacun sous les draps de son lit après le couvre-feu ? Et toutes ces petites querelles pour rien, ces disputes pour de futiles jalousies, pour un mot de trop, un p’tit mot d’enfant qui nargue, un p’tit mot juste pour t’énerver. Toutes ces querelles qui aujourd’hui ne sont plus que le souvenir du doux parfum, celui du père et d’une mère, caressant la tête de leurs petits comme pour mieux les apaiser après les pleurs. Et tous ces devoirs, ces cours à apprendre, ces leçons de musique, et entraînements de sport, tous ces instants, toute cette vie où ensemble, en famille avec nos autres frères et sœurs nous avons appris à marcher, courir, parler, écrire, rire, pleurer… ensemble.
Aujourd’hui ma sœur, où es-tu passée ? Pourquoi lorsque je te vois tu n’es plus là ? Pourquoi la dureté est-elle devenue ta seule compagne ? Pourquoi nos vies ne se croisent-elles même plus ? Pourquoi as-tu tant changé ? As-tu vraiment tout oublié ? Pourquoi ton regard est si froid alors que mon cœur ne cherche qu’à réchauffer le tien ?
Ma sœur bien-aimée, je sais qu’un jour tu reviendras, alors je t’attends et t’attendrai.
John Ibonoco
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Letter to my sister
My dearest sister,
How long have we known each other? Maybe thirty? Forty years? Even longer? A real slice of life for an adult! An eternity for the child still sleeping somewhere inside him! An eternity coloured with the scents of my memories… but populated today by the ghosts and shadows of the past, the distant echoes of our laughter in the playgrounds, the vestiges of a brotherhood crushed by the regular and implacable ticking of time and its bad weather.
My dearest sister, do not forget me, do not forget us. We grew up together, slowly but surely, step by step on this long road, the one that carries you forever towards the whirlwind of life – as Jeanne Moreau used to sing. And one day, this whirlwind took you far away from me, too far away from me, and you have been turning on yourself ever since, like a soul in pain, preferring to enlighten yourself to the illusory and selfish lights of a life that passes too quickly, of a life that seeks to catch its breath, of a life without sparks or magic. Magic? It’s been a long time since she took off with the cash register to leave you only the monotony of all those grey, rainy mornings that you chose.
We stood next to each other, best friends of the world, of our world, always! We walked, one after the other on our way to school, from class to class, growing over time under the sun of our spring which never stopped warming us up with its daily happiness… Do you still remember those nights when sharing the same room we laughed together like crazy, each one under the sheets of his bed after curfew? And all those little quarrels for nothing, those disputes over futile jealousies, over one word too many, a little childish nonsense, a little word just to make you angry. All these quarrels which today are only the memory of the sweet perfume, that of a father and a mother, caressing the heads of their little ones as if to better soothe them after the crying. And all these homework, these lessons to learn, music lessons, and sports training, all these moments, all this life where together, as a family with our other brothers and sisters, we have learned to walk, run, talk, write, laugh, cry… together.
Today my sister, where did you go? Why is it that when I see you you are no longer there? Why has hardness become your only companion? Why don’t our lives even cross anymore? Why have you changed so much? Have you really forgotten everything? Why are your eyes so cold when my heart only wants to warm yours?
Beloved sister, I know that one day you will come back, so I’ll wait and wait for you.
John Ibonoco
Une bien belle lettre John, qui devrait ouvrir le coeur de cette soeur aspirée par le tourbillon de la vie.
Bonne journée
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Merci de tes mots. Il faut espérer qu’un jour elle lise cette lettre mais je reste pessimiste
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Il n’existe pas une personne qui pourrait servir d’intermédiaire et lui suggérerait de la lire ?
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Je ne pense pas qu’elle soit sensible à ce genre de texte. Un jour peut-être, et là elle verra que nous sommes tous présents pour elle. Aujourd’hui, ce n’est pas encore possible.
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Belle lettre, ce doit être dur de ne pas savoir où est sa soeur!
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Magnifique texte.
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Merci Elisabeth.
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Oui, cela reste difficile. En fait, je sais où elle est mais elle, elle a oublié que l’on existait.
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On ne s’explique pas l’inexplicable John. J’ai tenté des années de rapprocher maman de sa soeur, j’ai recontacté moi-même mon grand-père à 18 ans pour le revoir, j’ai tenté un rapprochement avec ma tante que je n’avais pas vue depuis mon enfance et qui m’a opposé une fin de non recevoir disant que c’était inutile………. j’ai, du coup, un peu de mal à croire aux impossibles rapprochements……. moi qui suis tellement famille dans mes tripes !
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Bonjour Hélène,
Je suis comme toi ; « tellement famille dans mes tripes « . Mais je n’y crois plus (aux rapprochements). C’est la raison pour laquelle j’écris cette lettre. Plus qu’une lettre, c’est un deuil.
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aussi douloureux soit-il, un deuil vaut mieux qu’un rapprochement hypocrite de circonstance hélas……. de tout ❤ avec toi
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Je suis d’accord avec toi Hélène. Tant de gâchis. Merci Hélène
.
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Tu as raison d’attendre, John, elle reviendra, c’est sûr !
Bonne journée.
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Merci Jean-Louis, j’apprécie.
Bonne journée à toi aussi.
John
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Oui, parfois il arrive que la vie sépare les membres d’une famille. Certains s’en accommodent, d’autres pas et en souffrent….
Une lettre comme une bouteille a la mer,John ?
Alors on croise les doigts pour qu’elle arrive jusqu’à ta sœurette. Et surtout on y croit.
Belle soirée à toi. A bientôt.
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Bonjour Solène,
Belle image de la bouteille à la mer qui dit : si toi tu nous oublies, nous, nous sommes toujours là.
Merci Solène
John
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l’effet du temps qui passe sur nos vies, comme un rouleau compresseur. Et cette soeur, que peut-elle penser de son frère disparu ?
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Bonne question. Son frère, pour elle, a fait sa vie et sait se débrouiller seul. Il est solide et donc n’a besoin de rien.
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Oh c’est affreusement triste, un arrachement aussi d’une partie charnue de ton enfance… Les complicités, les rires, les disputes, et puis plus tard… les mêmes souvenirs, les mêmes gens connus aux mêmes occasions, les choses que seuls vous deux pouvez comprendre avec votre esprit « de clan ».
Je sais ce que c’est, même situation avec mon frère. C’est très étrange, une sorte d’amputation…
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Bonsoir Edmée,
Tu décris bien cette impression de séparation quand tu parles d’amputation. Et comme pour ton frère, je pense qu’il n’y a pas grand-chose à faire ni même à dire.
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Bonsoir John,
Les querelles de famille sont souvent absurdes, de petites égratignures aux ego qui prennent des proportions démentes. Pour moi aussi, cette très belle lettre sonne comme un adieu.
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Merci Danielle,
Cette lettre est le fruit de longues cogitations et observations, et d’un constat : l’adieu à la personne concernée, aimée. Et l’adieu à l’espérance, celle des jours meilleurs. On ne peut forcer ni l’amour ni même les liens du sang
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Non pas l’adieu à l’espérance, mais l’adieu aux jours passés !
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Oui, plutôt. Je ne trouvais pas les mots. C’est bien aussi de cela dont il s’agit.
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Écrire ce que tu as sur le cœur sous forme de lettre exorcise ce qui pèse. Cela ne fait pas disparaître le manque. Les mots permettent d’écrire le ressenti. Cela fait tellement du bien, avec en soi un espoir. J’ai un jour écrit à mon frère qui aura 67 ans et moi-même 70 ans lorsque maman vivait encore ce que j’avais vécu avec nos parents alors que nous étions sous le même toit. Maman nous a divisé pour mieux régner. Ceci à ce moment là. Elle a eu sa dose, j’ai eu les miennes. C’est ce que j’ai écrit. Un jour mon frère me dit par téléphone alors que j’habite déjà en France que lui avais écrit une si méchante lettre. J’ai eu beau chercher je ne m’en souvenais pas. Puis un jour la mémoire est revenue. Il s’agissait de ce que maman avait subi mais aussi moi-même. J’ai été une victime nullement coupable, Maman aussi avec des violences conjugales dont j’ai écrit un texte sur mon blog.
Je comprends son refus devant ces événements. Il a dit à l’époque que j’avais abîmé l’image de papa. Je suis si triste de cet éloignement. J’aime mon frère comme une sœur et il l’ignore. Il déteste parler du passé c’est pour la seule solution qu’il a trouvé pour se défendre. Récemment j’ai voulu lui reparler ce cette lettre et j’ai pas pu. Il venait d’avoir un mini AVC.
Ta lettre éveillé en moi ces souvenirs et je comprends les tiens. Une lettre dans la réalité serait-elle possible pour l’un comme pour l’autre ?
Celle-ci est émouvante, un cri du cœur,
Tant de cris familiaux non entendus, non-dits. Qui sait et garde l’espoir. Même si de son côté c’est la fermeture..
Amicalement. Geneviève
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Bonjour Geneviève,
Tout d’abord, je te remercie sincèrement d’avoir évoqué les souvenirs difficiles de tes relations familiales. Ce n est jamais évident.
Pour répondre à ta question , je ne crois pas qu’une vraie lettre pourrait arranger la situation ni même cette comprise par l’intéressée. Elle a fondé sa famille comme une louve avec ses petits et sa meute depuis trop longtemps.
J’aimerais juste simplement un jour comprendre ce qui fait qu’elle a choisi une telle façon de se comporter.
Amitiés
John
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Bonne journée à toi,
Comprendre. C’est le verbe. Et le pourquoi ? En ce qui me concerne et en écoutant je me suis rendue compte qu’au sein d’une fratrie, les enfants ne vivaient pas les mêmes choses. Quant aux prises de position, tant qu’elle ne parlera ou n’écrira pas son ressentiment, tu resteras dans cette tristesse immense et ces questionnements. Il y a tant de mal-entendus et ta lettre raconte de si beaux souvenirs. Et puis il y a les autres. Les histoires de famille sont souvent très complexe et tu écris que tu ne comprends pas. Je suis triste pour toi même si nos échanges sont virtuels, la famille bien souvent un sac de noeuds. J’espère qu’un jour pas trop tard, tu auras les réponses que tu attends. As-tu lu les livres de Anne Ancelin sur la psychogénéalogie ? Un sujet intéressant. 😊
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Quelle belle lettre, John ! Si seulement, elle pouvait la lire !!! C’est une triste situation, hélas ! Il faut garder espoir car, un jour ou l’autre sentira-t-elle ce besoin de rapprochement ! C’est là mon meilleur souhait !
Bonne soirée,
Amitiés♥
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Bonjour Colette,
Alors je garde au fond de moi un peu d’espoir. On ne sait jamais mais que de temps perdu.
Amitiés et belle journée
John
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C’est toujours très triste quand même les souvenirs ne peuvent venir ouvrir un coeur devenu sec, des yeux devenus aveugles.
C’est une très belle lettre, très touchante John.
Merci pour ce partage en toute confiance.
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Tu me fais penser à mon frère qui s’est enfermé loin, dans un monde inaccessible dont il a jeté la clé. Hélas on ne peut sauver ceux qui ne veulent pas l’être. Merci de ta belle sensibilité John et amitiés.
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Bonsoir Catherine
On ne peut aider que ceux qui acceptent de l’être et tu as raison.
Et d’un autre côté, je finis par être fatigué de croire en une amélioration des rapports. Alors, je jette l’éponge… pour moment
Merci Catherine d’échanger
Belle soirée et amitiés
John
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A letter such as this would draw me like a moth to a flame, so perhaps
it will draw your dear sister, too.
Gwen.
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Thank you to you. I hope that one day she will be able to return to those she has forgotten.
Thank you again for your comforting words.
Take care.
John
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