Nos Ombres Apprivoisées
Par Joh Ibonoco
SISTER of MERCY – Marian – 1985
Nous avancions encore,
la bouche emplie d’un goût métallique
comme si le passé s’était oxydé
sur nos dents et nos souvenirs.
Gris ardoise — acide — langue lourde.
Le vent portait l’odeur de laine détrempée,
et nos doigts, bleus d’absence,
tâtonnaient des refuges imaginaires
dans des poches trop vastes
pour de si petites âmes.
Bleu pétrole — froid qui s’infiltre — doigts de verre.
Dans la cabane aux poutres fendues,
chaque craquement
était un pas de fantôme
sur le plancher de nos non-dits.
Résine chaude — suie — souvenirs qui grincent.
Nous mangions en silence,
l’offrande brûlante nous rappelant
qu’entre respirer et appartenir,
il existait une frontière mince
comme la peau d’un tambour
avant la déchirure.
Terre brune — vapeur douce — mâchoire lente.
Le vent chantait faux,
mais sa dissonance frappait juste.
Un gémissement sacré,
liturgie de fin de monde
comme si le souffle du monde
jouait sa note finale
à travers une tôle fendue.
Souffle cassé — note qui vacille — gorge de pierre.
Nos cœurs cognaient
comme deux tambours rapiécés
avec du cuir d’aveux
et des ficelles d’espoir.
Rouge lie-de-vin — pulsation brutale — peau tendue.
Chaque matin,
nous alignions pierres, objets, gestes,
comme si le sens pouvait se forger
à même nos mains,
sans dogme, ni loi, ni bénédiction.
Poussière granit — paume râpeuse — souffle mesuré.
Il restait entre nous
une phrase glacée, presque liturgique :
Les fautes se paient.
Mais personne ne savait
si la monnaie devait être l’âme
ou le silence.
Argent mat — reflet sans chaleur — gorge serrée.
La nuit,
nos ombres se frôlaient
comme deux animaux apprivoisés
par la solitude.
Le silence exhalait une menthe sauvage,
celle qui ne pousse
que sur les terrains jamais bénis.
Vert nocturne — fraîcheur coupante — peau frisson.
Parfois, un rire montait,
pas le rire de la joie,
non —
le rire d’un humain qui hésite
entre survivre et revenir.
Jaune craie — flamme hésitante — souffle fuyant.
Nous comprîmes sans mot
que la délivrance ne s’achète pas :
elle se respire lentement
contre une vieille cicatrice,
comme un baume murmuré.
Tissu tiède — lumière sourde — battement discret.
Alors, au matin nacré,
nous cessâmes de vouloir recoller le monde
et choisîmes d’écouter
le grain fragile
de notre propre souffle.
Perle laiteuse — horizon muet — gorge apaisée.
John Ibonoco est écrivain-blogueur et créateur de News from Ibonoco, un espace d’écriture où fragments, poèmes, notes et musiques se répondent au fil des jours. Il y explore une ligne simple : dire le réel sans détour, accueillir l’émotion sans en faire trop, chercher ce point fragile où l’intime rencontre le monde.
Ses textes, courts et précis, avancent avec une sobriété assumée. Il écrit en français et en anglais, passant de l’une à l’autre pour ajuster rythme, souffle et image, comme on règle la lumière autour d’une scène qu’on veut juste.
News from Ibonoco se lit comme un carnet en mouvement : séries récurrentes, portraits, traductions, pièces originales, parfois accompagnés d’images, de musiques ou d’inédits qui élargissent le cadre.
Son objectif reste modeste mais clair : écrire pour éclairer, relier, transmettre. Chercher des mots qui aident à comprendre ce que nous traversons — ici, maintenant — et à en faire quelque chose de vivant.
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Our Tamed Shadows
by John Ibonoco
SISTER of MERCY – Marian – 1985
We kept walking,
mouths filled with a metallic taste,
as if the past had rusted
on our teeth and memories.
Slate grey — acid — heavy tongue.
The wind smelled of soaked wool,
and our fingers, blue with absence,
searched blindly for imagined shelters
in pockets too deep
for such small souls.
Petrol blue — seeping cold — glassy fingers.
In the shack with cracked beams,
every creak
was a ghost’s step
on the floor of our unspoken words.
Warm resin — soot — creaking memories.
We ate in silence,
the burning offering reminding us
that between breathing and belonging
there lies a border
thin as a drumskin
just before it tears.
Earth brown — soft steam — slow jaw.
The wind sang off-key,
but its dissonance struck true.
A sacred moan,
a liturgy for the end of the world,
as if the breath of all things
was playing its final note
through a torn sheet of metal.
Broken breath — wavering note — stone throat.
Our hearts pounded
like patched-up drums
stitched with leather confessions
and threads of hope.
Wine-red — brutal pulse — stretched skin.
Each morning,
we arranged stones, objects, gestures,
as if meaning could be forged
by hand alone,
without creed, law, or blessing.
Granite dust — rough palm — measured breath.
There remained between us
a frozen phrase, nearly liturgical:
“Sins must be paid for.”
But no one knew
if the currency was meant
to be the soul
or the silence.
Dull silver — cold reflection — tight throat.
At night,
our shadows brushed
like two creatures
tamed by loneliness.
Silence breathed a wild mint,
the kind that only grows
on ground that’s never been blessed.
Night green — cutting freshness — skin in shivers.
Sometimes, a laugh would rise—
not joy’s laugh,
no—
the laugh of someone
caught between surviving
and returning.
Chalk yellow — flickering flame — vanishing breath.
Without words, we understood:
deliverance isn’t bought.
It’s breathed in slowly
against an old scar,
like a whispered balm.
Warm cloth — muted light — quiet heartbeat.
And so, in the pearly dawn,
we stopped trying to mend the world
and chose instead to listen
to the fragile grain
of our own breath.
Milky pearl — silent horizon — soothed throat.
John Ibonoco is a writer and blogger, and the creator of News from Ibonoco—a space where fragments, poems, notes, and music speak to one another as the days unfold. His work follows a simple line: telling things as they are, giving emotion its place without excess, and exploring that delicate point where the personal meets the world.
His texts are concise and intentional, written with a steady, understated voice. He writes in both French and English, moving between the two to refine rhythm, imagery, and breath—much like adjusting the light around a scene to make it true.
News from Ibonoco reads like a living notebook: recurring series, portraits, translations, and original pieces, sometimes accompanied by images or unpublished material that broaden the frame.
His aim is modest yet clear: to write in order to illuminate, connect, and pass something on. To offer words that help make sense of what we live through—here, now—and to turn it into something alive.