UNE PRIÈRE
Je me réveille à l’aube et ma prière
Est un poison amer.
J’appelle le déluge une nouvelle fois
A projeter plus haut que les tours et les toits
Tous les flots de la mer,
Que ne puisse voguer nulle arche secourable.
Oh ! comme il sera bon le frôlement glacé
De la mort.
Peut-être éteindra-t-il la souffrance amassée
Dans son corps.
Les décombres du coeur, la honte de mâcher
Le pain, au bord
Des cendres par morceaux de nos frères et sœurs.
Oh ! comme il sera bon le toucher des nuages
Dans cette nage d’agonie,
Sentir peut-être en moi cette douceur descendre :
Entendre de ces corps dont volèrent les cendres –
Le cri de leur blessure.
Kadia Molodwski (1897-1975), est une poétesse, professeure de yiddish et d’hébreu et écrivaine de langue yiddish américaine. Elle a débuté sa carrière comme jardinière d’enfants à Odessa, puis institutrice à Varsovie dans les écoles yiddish. En 1935, elle s’installe aux États-Unis et séjourne entre 1950 et 1952 en Israël. La Shoah transformera sa poésie en une profonde et puissant lamentation où le désespoir tient une place centrale.
A PRAYER
I wake up at dawn and my prayer
Is a bitter poison.
I call the flood once again
To throw higher than the towers and the roofs
All the waves of the sea,
That no helpful ark may sail.
Oh, how good it will be to see the icy brushing
Of death.
Perhaps it will extinguish the pain heaped up
In his body.
The rubble of the heart, the shame of chewing
The bread, at the edge
Of the ashes in pieces of our brothers and sisters.
Oh! how good will be the touch of the clouds
In this swim of agony,
To feel perhaps in me this sweetness going down:
To hear from these bodies whose ashes flew –
The cry of their wound.
Kadia Molodwski (1897-1975), was a Yiddish and Hebrew language poet, teacher and writer. She began her career as a kindergarten teacher in Odessa, and later as a teacher in Warsaw’s Yiddish schools. In 1935, she moved to the United States and lived in Israel between 1950 and 1952. The Shoah will transform her poetry into a deep and powerful lamentation where despair holds a central place.