My sunburn

le

UN COUP DE SOLEIL

C’était au mois de juin. Tout paraissait en fête.
La foule circulait bruyante et sans souci.
Je ne sais trop pourquoi j’étais heureux aussi ;
Ce bruit, comme une ivresse, avait troublé ma tête.
Le soleil excitait les puissances du corps,
Il entrait tout entier jusqu’au fond de mon être,
Et je sentais en moi bouillonner ces transports
Que le premier soleil au cœur d’Adam fit naître.
Une femme passait ; elle me regarda.
Je ne sais pas quel feu son œil sur moi darda,
De quel emportement mon âme fut saisie,
Mais il me vint soudain comme une frénésie
De me jeter sur elle, un désir furieux
De l’étreindre en mes bras et de baiser sa bouche !
Un nuage de sang, rouge, couvrit mes yeux,
Et je crus la presser dans un baiser farouche.
Je la serrais, je la ployais, la renversant.
Puis, l’enlevant soudain par un effort puissant,
Je rejetais du pied la terre, et dans l’espace
Ruisselant de soleil, d’un bond, je l’emportais.
Nous allions par le ciel, corps à corps, face à face.
Et moi, toujours, vers l’astre embrasé je montais,
La pressant sur mon sein d’une étreinte si forte
Que dans mes bras crispés je vis qu’elle était morte…

Henry-René-Albert-Guy de Maupassant (1850 – 1893) in DES VERS, 1880, est un écrivain, romancier, nouvelliste et journaliste littéraire français. Il a notamment été connu par la publication de romans tels que Bel-Ami en 1885, Le Horla en 1887, Boule de Suif en 1880, les Contes de la bécasse en 1883… Il sombrera peu à peu dans la folie et mourra en 1893, le Horla pouvant être perçu comme une oeuvre prémonitoire s’agissant de sa propre fin. Sa carrière en tant qu’écrivain n’aura duré qu’une décennie : de 1880 à 1890. En 1893, il recevra le Prix Vitet de l’Académie française à titre posthume.

A SUNBURN

It was June. Everything seemed to be in celebration.
The crowd was moving noisily and carefree.
I don’t know why I was so happy;
This noise, like an drunkenness had disturbed my head.
The sun excited the powers of the body,
It entered all the way to the bottom of my being,
And I felt in me bubble up these transports
That the first sun in Adam’s heart gave birth to.
A woman passed; she looked at me.
I don’t know what fire her eye shone on me,
With what passion my soul was seized,
But there came to me suddenly like a frenzy
To throw myself on her, a furious desire
To embrace her in my arms and kiss her mouth!
A cloud of blood, red, covered my eyes,
And I thought to press her in a fierce kiss.
I squeezed her, I bent her over, knocking her down.
Then, taking her suddenly by a powerful effort,
I rejected the earth with my foot, and in space
Streaming with sunlight, with a leap, I carried her away.
We went through the sky, body to body, face to face.
And me, always, towards the blazing star I went up,
Pressing her to my bosom with an embrace so strong
That in my clenched arms I saw that she was dead…

Henry-René-Albert-Guy de Maupassant (1850 – 1893) in DES VERS, 1880, was a French writer, novelist, short story writer and literary journalist. He was notably known by the publication of novels such as Bel-Ami in 1885, Le Horla in 1887, Boule de Suif in 1880, les Contes de la bécasse in 1883… He gradually sank into madness and died in 1893, the Horla can be seen as a premonitory work about his own end. His career as a writer lasted only a decade: from 1880 to 1890. In 1893, he received the Vitet Prize from the French Academy posthumously.

10 commentaires Ajouter un commentaire

  1. bigskybuckeye dit :

    Much unexpected darkness in this poem. His work runs parallel to some of those of American Edgar Allen Poe.

    Aimé par 1 personne

    1. ibonoco dit :

      Indeed, this text has a lot of darkness.
      Maupassant wrote few poems but in his work, we can find this characteristic: the Horla for example.

      J’aime

  2. Beau poème, un grand écrivain!

    Aimé par 2 personnes

    1. ibonoco dit :

      Assurément. Il l’a fait aimer la lecture.

      Aimé par 1 personne

  3. karouge dit :

    A l’heure où l’on entame un autodafé soft, (réf 1933, NDS national-socialiste), ce genre de magnifique poème ne passerait plus de nos jours s’il avait été écrit aujourd’hui. (Je pense au changement de titre de « dix petits nègres »(, mais j’exclue fondamentalement de ma réflexion les gestes odieux d’un obèse commentateur de foot
    (Maupassant :
    « Mais il me vint soudain comme une frénésie
    De me jeter sur elle, un désir furieux
    De l’étreindre en mes bras et de baiser sa bouche ! »)

    Nous devons ignares, stupides et violents.

    Article Wikipédia (extrait article Farenheit 451 de Ray Bradbury)) :
    « La description d’une société apocalyptique
    La société déshumanisée décrite par Fahrenheit 451 montre que de nombreuses valeurs humaines ont disparu : l’amour, puisque Montag et sa femme ne se rappellent plus leur première rencontre; l’intelligence, les gens se contentant de l’opinion officielle et les « gardiens de la vérité » eux-mêmes, comme Beatty, ne comprenant pas ce qu’ils disent, puisque d’après eux la culture et le dialogue se résument à un échange de citations; la communication, chacun faisant preuve d’un égoïsme forcené. Les gens sont redevenus des enfants, ils vivent dans l’immanence et l’indifférence et veulent uniquement agir : « Les gens ne parlent de rien. » Enfin, cette société est probablement redevenue primitive, puisqu’elle pratique le culte de la violence, au nom du bonheur. »

    Bon courage à toi pour cette nouvelle phase de confinement. Souhaitons qu’elle prenne vite fin, mais le temps marche à reculons cette année encore .Fais comme Sally Mara (chez Queneau) : tiens bon la rampe !
    Amitiés

    Aimé par 1 personne

    1. ibonoco dit :

      J’essaie de tenir bon la rampe. Et toi aussi.
      Quant à Maupassant et son poème, je te rejoins malheureusement. C’est notamment la raison de mon choix aujourd’hui. La liberté d’expression doit demeurer et se défaire de ses agresseurs digmatiques : Woke et autres mouvements contraires à tout universalisme

      Bonne journée Karouge

      Amitiés
      John

      Aimé par 2 personnes

  4. C’est un très beau poème

    Aimé par 1 personne

    1. ibonoco dit :

      Maupassant le poète avait également du talent

      Aimé par 2 personnes

  5. colettedc dit :

    Quel poème et quel écrivain !!!
    Bon week-end John,
    Amitiés 😘

    Aimé par 1 personne

    1. ibonoco dit :

      On le découvre en poète. Et c’est vrai que c’est une belle chose.
      Amitiés et bon week-end Colette
      John 🌞

      Aimé par 2 personnes

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