The tear…

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(réédition du 25 janvier 2019)

 

LA DECHIRURE…

La déchirure ? Non, ce n’est pas cet excellent film des années 80 avec les acteurs Sam Waterston, Haing S. Ngor et John Malkovich dans le rôle de reporters témoins de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges et de la répression meurtrière que ces derniers mirent impitoyablement en place. Répression d’ailleurs dont le titre original « The killing fields » rend bien compte quand on le traduit en français par « Les champs de la mort ». Pour autant, c’est tout de même ce que ressentent les deux protagonistes lorsque Sidney Schanberg, reporter américain, a la vie sauve grâce à son assistant Dith Pran et que l’un peut rentrer aux Etats-Unis alors que l’autre, Cambodgien, devient prisonnier des Khmers rouges, interné dans un camp, risquant d’être exécuté à chaque instant. Les conditions de cette séparation et des liens qui les unissent produisent alors en eux une onde de choc, un tsunami émotionnel emportant et broyant dans la douleur chacune des cellules de leur corps et de leurs pensées.

Cette douleur, elle est infinie, et chacun peut la ressentir dans sa chair jusqu’au plus profond de son être. Elle est l’étape ultime avant l’effondrement physique que pourrait produire l’annonce d’une disparition subite. La déchirure est ultra-violente et sans pitié pour les êtres sensibles. Elle t’arrache le cœur en un millième de seconde à la façon d’un sparadrap que l’on retirerait brutalement, d’un seul coup, emportant avec lui les poils qu’il recouvrait avec quelques bouts de croûtes de sang séché. Ton âme part brutalement en lambeau alors qu’elle flottait quelques instants auparavant dans un état d’apesanteur total accoudée au comptoir de l’Eden en compagnie de deux ou trois anges gardiens. C’est un choc absolu, un K.O., une situation que l’on ne comprend pas, qui échappe à l’entendement mais… qui est par trop réelle. La déchirure se vit à plusieurs, à deux ou seul, peut revêtir plusieurs formes, s’incarner dans différentes situations mais jouera toujours sa pièce avec le même décor : « dans les champs de la mort », car c’est une tragédie…

Les cheveux noirs ondulés, le regard perçant derrière une paire de lunettes, c’est une post-ado intelligente avec un cœur gros comme le soleil, fragile comme de la porcelaine et une générosité grande et belle comme un ciel bleu d’été dans le Var. C’est une belle personne à l’âme sensible et l’humanité affirmée. Mais cette une jeune personne qui croit déjà connaître l’Univers et les Dieux parce qu’elle commence à peine à se connaître elle-même. Bourdieu, Boudon, Socrate et tous leurs autres potes rencontrés en philo ou en cours de socio auront au moins trouvé un public attentif… Mais c’est encore un enfant, une fille qui ne demande qu’à vivre, à être heureuse et qui te glisse entre les doigts tandis que le sablier est retourné et que son sable fin décompte le temps d’une relation que tu voudrais parfaite. « Ne cherchez pas la perfection, disait l’autre, vous ne l’atteindrez jamais ! »

La perfection… c’est l’histoire d’un père qui comme tous les parents sait qu’il ne pourra l’atteindre cette perfection. Alors il fait ce qu’il peut même si faire ce que l’on peut ne sera jamais suffisant dans le regard de son enfant. Ce sont des années et des années d’une implication sans failles pour tenir hors de l’eau sa petite tête que la marée des événements auraient pu emporter plus d’un million de fois. C’est un dialogue qui ne passe plus par les mots. Ils sont devenus trop volatiles changeant de sens à chaque nouvelle génération, creusant ainsi le fossé de l’incompréhension.

Il n’a plus « les mots pour le dire » ni même la manière. A présent, tout lui échappe et un goût amer monte en lui. Ses yeux, parfois, brillent tout illuminés par la peine et la douleur, sourde, rentrée, cachée. C’est un ras-le-bol, et le ras-le-bol du ras-le-bol de porter à bout de bras une charge mentale qui un jour pèsera un peu trop sur ses bras et lui les fera baisser en signe de capitulation.

Mais il le sait bien que même si l’enfant est généreux, il est aussi parfois égoïste et ingrat – il n’a pas oublié sa propre enfance. Alors, son amour pour ses enfants, ses accompagnement et investissement sans failles, son regard attendri, ses problèmes de fric, son côté bougon et râleur, c’est comme le dit la chanson : « Mais quand on a juste quinze ans, on n’a pas le cœur assez grand, pour y loger tout’s ces chos’s-là… » Alors, il continuera d’accompagner et de porter en espérant que jamais ne soit dit un jour – par ses enfants : « Maintenant qu’il est loin d’ici, en pensant à tout ça, j’me dis : « J’aim’rais bien qu’il soit près de moi » Papa ».

Ibonoco

THE TEAR…

The tear? No, it’s not that great ’80s movie with the actors Sam Waterston, Haing S. Ngor and John Malkovich in the role of reporters who witnessed the capture of Phnom Penh by the Khmer Rouge and the murderous repression that the latter mercilessly put in place. A repression whose original title, « The killing fields« , is aptly described when translated into French as « Les champs de la mort » (The killing fields). Nevertheless, this is what the two protagonists feel when Sidney Schanberg, an American reporter, is saved thanks to his assistant Dith Pran and one can return to the United States while the other, a Cambodian, becomes a prisoner of the Khmer Rouge, interned in a camp, risking execution at any moment. The conditions of this separation and the bonds that unite them then produce a shock wave in them, an emotional tsunami that carries away and painfully crushes every cell of their bodies and thoughts.

This pain is infinite, and each one can feel it in his flesh to the depths of his being. It is the ultimate step before the physical collapse that the announcement of a sudden disappearance could produce. The tear is ultra-violent and ruthless for sentient beings. It tears your heart out in a thousandth of a second, like a plaster that you would brutally remove in a single blow, taking with it the hairs that it covered with a few scraps of dried blood. Your soul leaves brutally in shreds whereas it floated a few moments before in a state of total weightlessness leaning against the counter of Eden in company of two or three guardian angels. It is an absolute shock, a K.O., a situation which one does not understand, which escapes comprehension but… which is too real. The tear can be experienced by several people, by two or alone, can take several forms, can be embodied in different situations but will always play his play with the same set: « in the fields of death », because it is a tragedy …

The wavy black hair, the piercing gaze behind a pair of glasses, she is an intelligent post-teen with a heart as big as the sun, fragile as porcelain and a generosity as big and beautiful as a blue summer sky in the Var. She is a beautiful person with a sensitive soul and an assertive humanity. But this is a young person who believes she already knows the Universe and the Gods because she is just beginning to know herself. Bourdieu, Boudon, Socrate and all their other friends they met in philosophy or social studies classes will at least have found an attentive audience… But she is still a child, a girl who only wants to live, to be happy and who slips through your fingers while the hourglass is turned over and her fine sand counts down the time of a relationship you would like to be perfect. Don’t look for perfection, » said the other, « you’ll never achieve it! »

Perfection… is the story of a father who, like all parents, knows that he cannot achieve perfection. So he does what he can, even though doing what he can will never be enough in the eyes of his child. These are years and years of unfailing commitment to keep his little head out of the water that the tide of events could have carried over a million times. It is a dialogue that no longer passes through words. They have become too volatile, changing meaning with each new generation, widening the gap of misunderstanding.

It no longer has « the words to say it » or even the manner. Now everything escapes him and a bitter taste rises within him. His eyes, at times, shine all illuminated by pain and sorrow, deaf, hidden. He is fed up, and fed up with the fed up of carrying a mental load at arm’s length that one day will weigh a little too much on his arms and make him lower them as a sign of surrender.

But he knows that even if the child is generous, he is also sometimes selfish and ungrateful – he has not forgotten his own childhood. So his love for his children, his unfailing accompaniment and investment, his tender gaze, his money problems, his grumpy and grouchy side, it’s like the song says: « But when you’re just fifteen, your heart isn’t big enough to house all these things. «  So he’ll continue to accompany and carry on, hoping that one day his children will never say – « Now that he’s away from here, thinking about all this, I say to myself, ‘I like him to be near me, Daddy!

 

Ibonoco

21 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Lazuli Biloba dit :

    On ne rendra jamais assez hommage aux grandes « chansons populaires » et à la sagesse qu’elles diffusent en toute simplicité. Merci, John !

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    1. ibonoco dit :

      Ce titre de Daniel Guichard est un monument de la variété française

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  2. Harleyte dit :

    Merci pour ce très beau partage

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  3. Marie-Christine Le Sourd dit :

    Intéressant, des souvenirs d’une histoire tragique.

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    1. ibonoco dit :

      Et c’est aussi un message…

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  4. marie dit :

    Bonjour John, quelle belle chanson pour finir ce message Bisous MTH

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Marie,
      Je te remercie.
      Bises et amitiés
      John

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  5. J’imagine que le rapport entre « La déchirure » et ce père est cette peur que l’enfant se détourne de lui, du moins c’est comme cela que je le vois. Parce que oui, quand on est parent, on accompagne, on tisse autour de l’enfant un cocon et l’on voudrait que cela le protège de tous les pièges de la vie. Peut être que je m’égare par rapport à ton intention ? Belle fin de journée John 😊

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Catherine,
      Non. Tu as raison, cette peur existe bien.
      Mais le rôle des parents est d’amener l’enfant vers sa propre émancipation. Et ce n’est apparemment pas toujours facile.
      Belle soirée Catherine.
      Amitiés
      John

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  6. Oui bien évidement ! J’ai moi même laissé mes enfants « se casser la figure » sciemment pour qu’ils puissent s’émanciper et grandir. Belle soirée John et amitiés.

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    1. ibonoco dit :

      Merci Catherine,
      Ils apprennent le monde des adultes et nous, nous avons parfois peine à nous souvenir de nous-mêmes à leur âge.
      Belle soirée Catherine.
      Amitiés
      John

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  7. Solène Vosse dit :

    Personne n’est parfait, ni les parents ni les enfants ( le parfait n’est pas de ce monde), mais les parents en grande majorité font de leur mieux, tout ce qu’ils peuvent.
    Aussi c’est vrai que les enfants sont parfois « ingrats »…. le cœur pas assez grand quand on a 15 ans ? C’est surtout que l’on n’a pas encore conscience de cette difficulté à être parents.
    Beau partage et chanson émouvante de Daniel Guichard.
    Merci John. Belle et douce soirée à toi. A bientôt.

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Solène,
      Je te remercie des tes mots justes. Les parents font ce tandis que les enfants mettront des siècles pour peut-être le comprendre
      Bonne soirée Solène 😊
      Amitiés
      John

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  8. gibulène dit :

    il faut ajouter que D.G. interprète cette chanson avec une émotion poignante. Davantage que l’interpréter, il la vit.
    Bises John, bonne soirée

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Hélène,
      C’est vrai. Et je n’avais jamais réalisé cela. C’est une chanson tellement réaliste, tellement belle, magnifique en fait.
      Bises et belle soirée
      Amitiés
      John

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  9. brindille33 dit :

    J’ai vu le film deux ou trois fois avec à chaque fois les mêmes sentiments humains dans cette amitié hors du commun. Et puis ce long parcours d’enfermement, d’évasion, véridique. Quel film magnifique servis avec une telle humanité et sincérité. Merci pour ton texte merveilleux. Je suis maman, grand-mère et arrière-grand-mère d’un petit garçon de déjà 7 ans. Nous faisons comme nous pouvons et en ce qui me concerne un parcours douloureux qui le reste encore actuellement pour ma fille qui a 47 ans. Déchirure dans le sens véritable, chagrin. Il ne s’agit pas de disparition, Pour ma fille qu’elle impasse et j’ai 69 ans. Pour mon fils, 41 ans une déchirure, et à 17 ans devenu presque un homme à pu entendre lama version. Nous vivons dans cette famille même éloignée, des moments magiques, merveilleux. Une revanche sur une séparation intolérable.

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Brindille,
      Ce film est un chef-d’œuvre. C’est la raison pour laquelle il m’a servi de « support » sans ce texte. Je te remercie d’avoir su partagé des moments difficiles de ta vie en tant que maman. Parfois, nous arrivons effectivement à une impasse. Que faire ? Il faut être au moins deux pour renouer des liens et même avec la meilleure volonté du monde, rien est plus difficile. Pour autant, il faut toujours espérer. L’exemple de ton fils éclaire bien cela.
      Belle soirée
      Amitiés
      John

      .

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      1. brindille33 dit :

        En effet mon fils, sa compagne et mon petit-fils 11ans, un cocon d’amour et de bonheur qu’ils m’offrent à chaque voyage en Belgique. J’ai vécu la plupart du temps seule avec ma fille…c’est compliqué. N’empêche que ton récit est d’une belle clairvoyance, lucide, pragmatique et rempli d’amour. Bonne nuit. 😴💤

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  10. colettedc dit :

    Quelle belle chanson ! Magnifique partage, John !
    Bon mercredi,
    Amitiés♥

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Colette,
      Merci d’avoir apprécié
      Bon mercredi
      Amitiés
      John

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