The Rolling Stones – Gimme Shelter – 1969
» Qui tue un homme pour défendre une idée, ce n’est pas défendre une idée, c’est tuer un homme «
Sébastien Castellion (1515-1563), issu d’une fratrie de modestes paysans à Saint-Martin-du-Fresne, n’avait rien pour prédestiner son nom à résonner au panthéon des défenseurs de la liberté de penser. Pourtant, après des études de lettres et de théologie à Lyon, il croisa la route de Jean Calvin à Strasbourg où il entra dans son cercle d’« experts bibliques ». On le retrouve ensuite à Genève, à la tête du Collège de Rive, dispensant grammaire, philosophie et controverses théologiques… jusqu’à ce que ses convictions en matière de tolérance ne fassent exploser l’entente cordiale.
Le tournant décisif eut lieu en 1553, lors de l’exécution de Michel Servet à Genève, condamné pour hérésie en raison de ses positions sur la Trinité. Pour Sébastien Castellion, assister sans réagir à la mise à mort d’un homme pour ses idées religieuses revenait à trahir l’esprit de l’Évangile. Profondément choqué, il rédigea alors son célèbre Traité des hérétiques, dans lequel il affirme avec force : « Défendre une opinion par le feu, ce n’est pas défendre une opinion, c’est tuer un homme. » Par cette formule, Castellion pose un principe clair : la violence ne saurait jamais justifier la défense d’une idée.
Chassé de Genève en 1558, il trouve refuge à Bâle, où il finit ses jours dans une pauvreté presque totale, soutenu uniquement par la fidélité de quelques amis et une passion inextinguible pour les langues anciennes. Entre ses commentaires sur les textes sacrés, ses lettres enflammées et ses pamphlets contre l’intolérance, il pose, pierre après pierre, les bases de la critique textuelle et de la liberté de conscience.
Lorsqu’il meurt en septembre 1563, il laisse derrière lui un héritage aussi discret que révolutionnaire : ignoré de ses contemporains, il sera pourtant reconnu plus tard par les penseurs des Lumières – Bayle, Voltaire et d’autres – comme un pionnier du pluralisme religieux et de la laïcité. Mais aujourd’hui, dans une société où la violence des débats semble parfois l’emporter sur la raison, qui oserait encore affirmer qu’il est possible de confronter les idées… sans risquer d’y perdre bien plus que des mots ?
John Ibonoco
The Rolling Stones – Gimme Shelter – 1969
« To kill a man in defense of an idea is not to defend an idea; it is to kill a man. »
Sébastien Castellion (1515–1563), born into a humble peasant family in Saint-Martin-du-Fresne, seemed unlikely ever to join the ranks of free-thought champions. Yet after studying letters and theology in Lyon, he crossed paths with John Calvin in Strasbourg and entered his circle of “biblical experts.” Before long, he was installed at the head of Geneva’s Collège de Rive, teaching grammar, philosophy and theological disputation… until his steadfast belief in tolerance shattered their uneasy accord.
The decisive moment came in 1553, when Michael Servetus was burned at the stake in Geneva for heresy over his views on the Trinity. For Castellion, standing by while a man was put to death for his religious convictions was a betrayal of the Gospel’s very spirit. Deeply appalled, he penned his famous Treatise on Heretics, declaring bluntly: “Defending an idea with fire is not defending an idea—it is murdering a man.” With this formulation, Castellion laid down an unambiguous principle: violence can never justify the defense of a notion.
Expelled from Geneva in 1558, he found refuge in Basel, where he spent his final years in near-total poverty, sustained only by a handful of loyal friends and an unquenchable passion for ancient languages. Through his scriptural commentaries, fiery letters and anti-intolerance pamphlets, he gradually built the foundations of textual criticism and freedom of conscience—stone by patient stone.
When he died in September 1563, he left behind a legacy as quiet as it was revolutionary: largely overlooked by his contemporaries, yet later celebrated by Enlightenment thinkers—Bayle, Voltaire and others—as a pioneer of religious pluralism and secularism. And today, in an age when the heat of debate often drowns out reason, who would dare insist that ideas may be challenged… without risking far more than mere words?
John Ibonoco
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