Le danseur de la Promenade
Dick Rivers – Nice baie des anges
Un jeudi après-midi de la fin du mois d’avril, ensoleillé, magnifique avec son ciel bleu typique de la Riviera, un bleu qui se mêle au loin avec celui de la mer, un bleu clairsemé de quelques petites taches blanches recouvrant par moments de leur ombre l’astre suprême, déjà incandescent et déployant ses rais sur la face pâlichonne des touristes américains, chinois, italiens, russes, français fraîchement arrivés tandis que sur la Promenade, les joggers, marcheurs, clodos, cyclistes, tarés ou égarés du cerveau, fumeurs de joints, buveurs de bière, hommes d’affaires, poupées en tenue de soirée alors qu’il n’est même pas encore quinze heures, étudiants aux accents du monde entier, familles au grand complet, la mamie entourée de sa belle-fille, épaulée par son fils assurant son pas devenu incertain sous le poids des années, apprenties bimbo… Et en contre-bas, sur les galets gris caressés par l’iode – remontant des profondeurs de la Méditerranée et de l’océan atlantique, là-bas, tout là-bas à Tarifa – , les plagistes précoces se font déjà dorer en attendant l’été tandis que d’autres préfèrent pour l’heure rester un peu plus en hauteur assis sur les chaises blues du bord de mer, enchaînées comme les bagnards d’un autre temps. Et sur la plage, ce personnage, toujours le même qui année après année livre ses secrets à mes observations intriguées, des bouts de sa vie, quelques fragments épars. Les soirs d’été, sur la Promenade, toujours torse nu – abdos bien apparents – sous son blouson perfecto de cuir et un pantalon élastique noir, un casque de scooter posé à côté de lui, un gant argenté imitant celui de Michael Jackson à la main droite ou gauche, archi bronzé, les cheveux mi-longs, teints en noir, hirsutes, il danse… il danse du Michael Jackson quelques minutes, le temps qu’un attroupement de badauds, de curieux le cerne, puis il s’assied sur le bord en béton de la Promenade donnant sur des plages privées, en sueur. Il se laisse photographier, approcher et échange amicalement avec le premier venu. Et sur la plage, aujourd’hui, en cette fin d’un doux mois d’avril, ce personnage, toujours le même, assis sur sa serviette jaune, déjà noirci au soleil du Sud, sa casquette vissée sur la tête, des écouteurs dans les oreilles, il commence à entamer une chorégraphie. La plage est son domaine et il répète, il répète chaque mouvement, de la tête, des bras, des mains, du bassin, toujours assis. Il répète encore sur cette scène à ciel ouvert, s’offrant à un public de passage, puis, une fois las, il s’allonge pour un moment de sieste bien mérité, un moment d’introspection, de bronzette ou d’oubli de lui-même…
John Ibonoco
The Dancer of the Promenade
Dick Rivers – Nice baie des anges
It was a Thursday afternoon at the end of April, sunny and magnificent, with that signature Riviera blue sky — the kind that melts into the sea in the distance, a blue speckled with little white clouds that now and then cast their shadows over the blazing sun, already hot and spreading its rays across the pale faces of newly arrived tourists from America, China, Italy, Russia, France… Meanwhile, on the Promenade: joggers, walkers, drifters, cyclists, eccentrics or the outright insane, weed-smokers, beer-drinkers, businessmen, women in evening gowns even though it’s not yet 3 PM, students speaking every language under the sun, entire families out together — grandma flanked by her daughter-in-law, steadied by her son as she navigates her now-unsteady steps — aspiring starlets… And just below, on the gray pebbles kissed by the iodine rising up from the depths of the Mediterranean and even farther, from the Atlantic — all the way over in Tarifa — early-season sunbathers are already working on their tans as they wait for summer. Others prefer to stay up a little higher, lounging in the iconic blue chairs along the waterfront, chained together like prisoners from another era. And down on the beach, that same figure — the one I’ve watched year after year — reveals bits and pieces of his life to my curious gaze, fragments scattered in the sand. On summer evenings along the Promenade, he’s always there — shirtless, his abs on full display under a black leather biker jacket and tight black pants, a scooter helmet resting beside him, a single silver glove à la Michael Jackson on one hand, tanned to a deep bronze, his shoulder-length hair dyed black and wild. He dances… Michael Jackson-style. Just for a few minutes. Long enough for a small crowd of onlookers to gather. Then he sits down on the concrete edge of the Promenade, overlooking the private beaches, drenched in sweat. He lets people take his picture, lets them come close, and chats casually with whoever happens to be there. And today, here he is again, on this soft late-April day — the same character, sitting on a yellow towel, already dark from the southern sun, a cap fixed firmly on his head, earbuds in, starting to move. The beach is his stage, and he rehearses every move — head, arms, hands, hips — all while seated. He repeats, again and again, under this open-sky theater, performing for whoever happens to pass by. And when he’s had enough, he lies back, surrendering to a well-deserved nap — a moment of introspection, sunbathing, or simply forgetting himself.
John Ibonoco
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