Wednesday is allowed! We also die…

« Cela fait déjà trois ans, trois ans déjà… et tu n’avais pas encore seize ans. A Johanna, partie – accidentellement – un 16 janvier 2019… »

Serge Gainsbour – La chanson de Prévert

Le mercredi, c’est permis ! On meurt aussi…

Le mercredi, c’est permis, tout est permis ! dit-on souvent. Une expression qui ne veut pas dire grand-chose, une expression qui parfois sert à excuser peut-être quelques légères transgressions ou « insoutenables légèretés – banales – de l’être… » Alors un mercredi après-midi de janvier à Lyon, comme partout en France, tout est permis lorsque c’est la période des soldes. Il faut les voir à l’œuvre ces centaines de passants sur les trottoirs tentant leur chance, rue par rue, de boutique en boutique, à la recherche de la bonne affaire. Et de surcroît, quelques petits rayons de soleil tentent un bras de fer avec les nuages afin de réchauffer timidement l’atmosphère pour donner un air de printemps à un hiver quelque peu morose. Alors, la foule, les gens pressés, les lycéens et autres étudiants, les commerces, la circulation et ses klaxons, les tramways, le va-et-vient incessant des bus TCL, tout y est dans ce tableau urbain de la grande métropole lyonnaise…

Au niveau de l’hôtel de ville, tout est plus dense, plus intense : le trafic routier, le brouhaha de toutes ces âmes qui battent le pavé… Et en un quart de seconde, en une fraction de fraction de seconde, tout peut basculer… et tout bascule. On entend soudain des cris d’effroi, des appels à l’aide. Il vient d’y avoir un accident de la circulation comme il y en a régulièrement dans les grandes villes. Une jeune fille, une adolescente qui allait fêter bientôt ses seize ans s’est fait percuter par un bus alors qu’elle traversait la rue. Ici-bas, on ne choisit pas le moment ni quand les drames se produisent, surtout lorsque l’on a toute la vie devant soi. Des tragédies se jouent au quotidien tout autour de nous et très souvent nous ne les voyons pas, les yeux rivés sur notre portable ou l’esprit déjà au travail alors que nous n’avons même pas débuté une nouvelle journée…

A Lyon, les services de secours sont bien rodés et très efficaces. Mais parfois, il n’y a plus rien à faire même avec la meilleure volonté du monde. L’on ne peut ramener à la vie ce qui s’est éteint brutalement sans un mot pour dire au revoir, sans un cri, sans une larme. Les pulsations d’un petit corps s’arrêtent définitivement, son souffle s’en va prématurément en ne laissant à la place que de la tristesse et de la peine recouvrir de leur voile une famille heureuse, un père, mère, des frères et sœurs.

Aujourd’hui jeudi, tout est encore permis. La ville est bruyante et s’est réveillée comme à son habitude à partir de cinq heures. Les tramways et bus sont au rendez-vous comme tous les jours. Il y a toujours ces bruits de moteur, de pots d’échappement, de klaxons intempestifs, ces brouhahas d’une population vaquant à ses occupations. Et il y aura encore toutes ces centaines de personnes sur les trottoirs… moins une.

John Ibonoco

« It’s been three years already, three years already… and you were not yet sixteen. To Johanna, gone – accidentally – on January 16, 2019… « 

Serge Gainsbour – La chanson de Prévert

Wednesday is allowed! We also die…

On Wednesdays, everything is allowed! we often say. An expression that does not mean much, an expression that sometimes serves to excuse perhaps some slight transgressions or « unbearable lightness – banal – of being… » So on a Wednesday afternoon in January in Lyon, as everywhere in France, everything is allowed when it’s the sales period. You have to see them at work, these hundreds of passers-by on the sidewalks trying their luck, street by street, from store to store, in search of the good deal. And moreover, a few small rays of sunshine try to arm wrestle with the clouds to timidly warm the atmosphere to give an air of spring to a somewhat morose winter. So, the crowd, the hurried people, the high school and other students, the shops, the traffic and its horns, the tramways, the incessant coming and going of the TCL buses, everything is there in this urban picture of the great Lyon metropolis…

Near the city hall, everything is denser, more intense: the traffic, the hubbub of all these souls beating the pavement… And in a quarter of a second, in a fraction of a second, everything can change… and everything changes. Suddenly, we hear cries of fright, calls for help. There has just been a traffic accident, as they regularly happen in big cities. A young girl, a teenager who was about to turn sixteen, had been hit by a bus while crossing the street. Here, you don’t choose the time or when tragedies occur, especially when you have your whole life ahead of you. Tragedies are played out all around us on a daily basis, and very often we don’t see them, with our eyes glued to our cell phones or our minds already at work when we haven’t even started a new day…

In Lyon, the emergency services are well trained and very efficient. But sometimes, there is nothing more to do even with the best will in the world. One cannot bring back to life what has suddenly died without a word to say goodbye, without a cry, without a tear. The pulsations of a small body stop for good, its breath goes away prematurely, leaving only sadness and sorrow to cover a happy family, a father, mother, brothers and sisters.

Today, Thursday, everything is still allowed. The city is noisy and woke up as usual from five o’clock. The streetcars and buses are there as every day. There are always these noises of engine, exhaust pipes, horns, these brouhahas of a population going to its occupations. And there will still be all these hundreds of people on the sidewalks… minus one.

John Ibonoco

4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. marie dit :

    Bonjour John je ressens une tristesse infinie en te lisant, « on ne sait ni le jour ni l’heure… » mais c’est bien trop tôt, quel drame , pauvre jeune fille, pauvre famille, je suis très émue, cela me fait peur, tout peut basculer en un instant et pourtant c’est la vie et hélas la mort prématurée dans le cas présent. Bisous MTH

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Marie,
      C’est ce basculement qui fait peur, de la vie de tous les jours au drame brutal, à la tragédie. Et l’on ne s’y fait que rarement.
      Bisous Marie
      Amitiés
      John

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  2. Jeanne Schmid dit :

    triste, infiniment triste. Et si bien conté

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    1. ibonoco dit :

      Merci Jeanne. Un vrai drame comme il y en a bien trop souvent.

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