My sound of silence

(Réédition)

MY SOUND OF SILENCE

Elle entre dans la cuisine le sourire aux lèvres, le portable à la main et s’appuie machinalement contre le meuble en bois près de la table. Elle souffle un peu, embrasse son homme puis machinalement consulte rapidement ses mails. Le travail c’est le travail, on ne sait jamais, une urgence, un problème ou un simple réflexe – la révolution numérique est en marche, le monde change en profondeur, tout va très vite… peut-être trop vite.

Du matin au soir, elle brave la circulation et ses embouteillages, elle enchaîne réunion sur réunion, supporte une pression professionnelle qui ferait plier n’importe quel chêne et s’en retourne le soir retrouver la joie des embouteillages, ultime étape avant de rentrer chez elle quand il fait déjà nuit en automne. Alors, le portable à la main, appuyé contre ce petit meuble en bois, le temps d’une inspiration, d’une migraine qui lutte au corps-à-corps pour s’imposer, elle rêve parfois d’une vie plus harmonieuse, de petits fragments de bonheur arrachés aux étoiles du destin, d’une enfance qui parfois s’efface de ses pensées par petites bribes…

Dans le salon, une main masculine vient de placer un disque vinyle sur la platine. Son plateau se met en mouvement à la vitesse de 33 tours par minute. Son bras descend et vient délicatement positionner son diamant sur le premier microsillon qui aussitôt réagit en émettant un petit craquement. Un tout petit craquement, ce n’est qu’un petit craquement, celui d’un allumette que l’on gratterait afin que la lumière soit. Ici, une petit craquement d’un disque vinyle et la magie devient réalité. Des notes s’envolent et montent dans la pièce et planent au-dessus du présent comme pour le couvrir de son aile protectrice.

Elle pose son portable… Dès la première note, son corps, son esprit, ses souvenirs et son âme sont percutés par cette mélodie et ces paroles d’un autre temps, d’un autre siècle que joue mécaniquement la platine. Ce soir, le passé s’invite à la table du présent avec ses amis : la nostalgie, la mélancolie, les émotions et les souvenirs agréables d’une jeunesse. Los Angeles, ses palmiers, le soleil, l’océan, les boîtes disco avec des pistes de roller, quand on a quatorze ans, c’est ça l’Amérique ! Les cheveux dans le vent, les poumons gonflés par cette liberté que seul un ado peut encore ressentir, le monde déroulant son tapis rouge aux pieds de sa vie. Et elle promet d’être belle et heureuse…

Dans le salon, le morceau vient de se terminer. La main replace le bras de la platine au même endroit et la magie se poursuit. C’est la fin des années soixante, une enfance qui s’étire en longueur, des rêves secrets d’amour et de princes charmants, une envie folle d’aimer ses parents, sa famille et ses copines, celles de la semaine que l’on retrouve autour d’un repas le vendredi soir. Une envie folle de grandir et de conserver cet amour pour les autres. Ce n’est peut-être que cela le bonheur, ne pas perdre son amour pour la vie en chemin, lorsque les années s’accumulent toujours plus comme des feuilles mortes les unes sur les autres.

Les yeux rougis par des souvenirs qu’elle seule côtoie depuis tant d’années, par cette musique qui les lui rappelle d’un seul coup, par ce mélange de tristesse, de mélancolie et d’amour, et parce que c’est une femme dont la sensibilité n’est que le reflet pur et authentique de son âme.

Les yeux rougis par une émotion qui parfois semble dire : « Hello darkness, my old friend, i’ve come to talk with you again. Because a vision softly creeping, left its seeds while i was sleeping. And the vision was planted in my brain, still remains within the sound of silence. »

Les yeux rougis par une émotion qui depuis trop longtemps est demeurée dans le son du silence et qui par la magie d’un vinyle sur une platine, de ses craquements, de son grain a libéré ce trésor enfoui au fond de son cœur.

John Ibonoco

MY SOUND OF SILENCE

She enters the kitchen with a smile on her face, laptop in hand, and leans mechanically against the wooden furniture next to the table. She blows a little, kisses her man and then mechanically checks her e-mails. Work is work, you never know, an emergency, a problem or a simple reflex – the digital revolution is on the march, the world is changing profoundly, everything is moving very fast, perhaps too fast.

From morning to night, she braves traffic and traffic jams, meeting after meeting, putting up with professional pressure that would bend any oak tree, and returns in the evening to find the joy of traffic jams, the last step before returning home when it is already dark in autumn. Then, laptop in hand, leaning against this small wooden piece of furniture, the time of an inspiration, of a migraine which fights hand-to-hand to impose itself, she sometimes dreams of a more harmonious life, of small fragments of happiness torn from the stars of destiny, of a childhood which sometimes fades from her thoughts by small fragments…

In the living room, a male hand has just placed a vinyl record on the turntable. The turntable starts moving at a speed of 33 revolutions per minute. His arm comes down and delicately positions its diamond on the first LP, which immediately reacts by emitting a small crackling sound. A very small crackling sound is just a small crackling sound, that of a match that one would strike so that the light would be. Here, a little crackle of a vinyl record and the magic becomes reality. Notes fly up into the room and soar above the present as if to cover it with its protective wing.

She puts down her cell phone… From the very first note, her body, her mind, her memories and her soul are struck by this melody and these words from another time, another century that the turntable plays mechanically. Tonight, the past invites itself to the table of the present with its friends: nostalgia, melancholy, emotions and pleasant memories of a youth. Los Angeles, its palm trees, the sun, the ocean, disco clubs with rollerblade tracks, when you’re fourteen, that’s America! Hair in the wind, lungs swollen with the freedom that only a teenager can still feel, the world rolling out its red carpet at the feet of his life. And she promises to be beautiful and happy…

In the living room, the song has just finished. The hand puts the turntable arm back in the same place and the magic continues. It’s the end of the sixties, a childhood that stretches out, secret dreams of love and charming princes, a mad desire to love his parents, his family and his girlfriends, those of the week that we find around a meal on Friday night. A crazy desire to grow up and keep this love for others. Maybe that’s what happiness is all about, not losing your love for life along the way, when the years pile up more and more like dead leaves on top of each other.

Her eyes are reddened by memories that she alone has been living with for so many years, by this music that reminds her of them all at once, by this mixture of sadness, melancholy and love, and because she is a woman whose sensitivity is only the pure and authentic reflection of her soul.

Her eyes are reddened by an emotion that sometimes seems to say: « Hello darkness, my old friend, i’ve come to talk with you again. Because a vision softly creeping, left its seeds while i was sleeping. And the vision was planted in my brain, still remains within the sound of silence. »

Eyes reddened by an emotion that for too long has remained in the sound of silence and that by the magic of a vinyl on a turntable, of its crackling, of its grain has freed this treasure buried deep in his heart.

John Ibonoco

22 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Maux&Cris dit :

    Très joli John ! Très beau texte au service d’une superbe musique. Bravo.
    Belle journée

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    1. ibonoco dit :

      Je te remercie. Cela me touche. Et cette musique : intemporelle.
      Belle journée également
      John

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  2. marie dit :

    Bonjour John très beau texte et très belle chanson bisous bon après-midi MTH

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    1. ibonoco dit :

      Merci Marie. Je savais que tu apprécierais la musique.
      Bisous
      John

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    1. ibonoco dit :

      Merci Marie-Christine

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  3. Réécouter cette musique me fait à peu près cet effet que tu décris ! Cela me ramène des années en arrière avec cette pointe de nostalgie de l’enfance qui s’en est allée. Merci pour la musique et ton très beau texte si juste John. Belle fin de journée.

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Catherine,
      La musique arrive parfois à se marier avec les mots amplifiant ainsi les émotions suscitées. C’est ce que j’essaie souvent de réaliser. Les mots ne sont jamais suffisants, ou pas toujours. Merci d’avoir décrit ton ressenti.
      Amitiés
      Bel après-midi
      John

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  4. iotop dit :

    Bon jour John,
    Rien ne manque à ce beau texte ciselé comme ce sillon de disque …
    Bonne soirée à toi, John.
    Max-Louis

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  5. J’aime bien quand tu produits ces textes entre l’intime et la nostalgie !
    Bonne soirée, John.

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    1. ibonoco dit :

      Merci Jean-Louis, j’aime aussi écrire ainsi. Parfois, j’y arrive. D’autres fois, c’est plus difficiles.
      Belle soirée
      John

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  6. Sabrina P. dit :

    C’est beau, alors je me tais ;).

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    1. ibonoco dit :

      Merci Sabrina 😊

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    1. ibonoco dit :

      Merci et belle soirée
      John

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  7. colettedc dit :

    Comme c’est bien écrit et agréable de lecture, John !
    Des airs qu’on ne peut oublier et qu’il est toujours si bon de réentendre !
    Bonne journée,
    Amitiés♥

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    1. ibonoco dit :

      Merci Colette,
      Musique et écriture, deux passions qui m’étreignent depuis longtemps.
      Beau vendredi
      Amitiés
      John

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  8. Msdedeng dit :

    « Hips don’t lie. »

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  9. princecranoir dit :

    Très chouette ce texte, melancolique et sixties.

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    1. ibonoco dit :

      Merci, j’apprécie 😊

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    1. ibonoco dit :

      Merci Nathan

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