What a wonderful life… my sister Anne !

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(Réédition du 20 novembre 2018

 

What a wonderful life… ma soeur Anne !

 

 

Depuis toutes ces années tu cours, tu cours et tu cours après toi-même, après le soleil, après le destin, après tes enfants, après des sœurs qui ne viennent plus à la maison, après…, après…, après... Le temps a passé en balayant du revers de la main les souvenirs de ton enfance pour ne laisser à la place qu’un vide abyssal. Un vide qui a laissé entrer en toi le froid et en a chassé la chaleur d’une fratrie qui t’enveloppait de son aile protectrice. Aujourd’hui, tu cours tellement vite que tu en deviens invisible aux yeux de tes proches, et tu t’essouffles de tristesse. Tu cours et tu ne le sais même pas. Tu cours au milieu de tous… et dans la plus grande indifférence de tous.

Depuis toutes ces années tu parles, tu parles et tu parles mais tu n’écoutes pas les autres. Tu n’écoutes pas, tu ne le veux pas ! ou tu ne le peux peut-être pas. Pour survivre, il te faut parler, il te faut communiquer et dire les choses. Il te faut murmurer, chuchoter, susurrer, parler, parler, parler sans cesse. « Dis-moi Anne, ma sœur Anne, la parole t’a-t-elle enfin libérée de cette vie qui te file entre les doigts ? Dis-moi grande sœur, trouves-tu enfin le repos bien mérité ? celui des justes, celui d’une femme qui n’aspire qu’à la paix intérieure. » Tu parles de tout, de rien, de tes cours, de tes élèves, de ton programme, de ton amour pour tes chien et chat. Tu parles à qui veut bien entendre le souffle de ton silence, le souffle de ta solitude… toi qui demeure seule au milieu de tous, seule au milieu de ta propre famille.

C’est peut-être l’usure du temps ou des pièces : une simple obsolescence programmée dès ta naissance. C’est peut-être aussi l’usure du couple : un mari qui ne te voit plus, qui ne te regarde plus, qui ne te désire plus ou qui ne te fait plus l’amour. C’est peut-être également l’inverse : un mari que tu vois trop, que tu ne peux plus voir, pas même en peinture. Un mari qui – te – pèse… de tout son poids sur ton petit corps de moineau. C’est peut-être simplement tout cela à fois ou rien de précis, juste du spleen à l’état pur, un nuage gris au-dessus de tête, une longue déprime et désolation à propos d’une vie sans vie.

C’est peut-être un métier qui au cours des années, de salle de cours en salle cours, a pris le dessus sur une vie que tu aurais voulu plus salée, plus sucrée et certainement plus colorée. C’est peut-être une maladie que tu as affrontée seule, avec courage mais seule… au milieu de tous. Une maladie qui t’a peut-être trop pris ou tout pris : ton identité de femme jusque dans tes ovaires, ta libido, ta gaîté des jours de printemps, ton amour pour la vie et qui ne laisse en toi qu’un goût amer lorsque tu imagines ton avenir de solitude.

Alors Anne, ma sœur Anne, reviens ! Tu ne seras jamais seule. Nous sommes là ! Vois ! Regarde autour de toi :

« I see trees of green, red roses too
I see them bloom for me and you
And I think to myself what a wonderful world

I see skies of blue and clouds of white
The bright blessed day, the dark sacred night
And I think to myself what a wonderful world

The colors of the rainbow so pretty in the sky
Are also on the faces of people going by
I see friends shaking hands saying how do you do
They’re really… »

 

Ibonoco

 

What a wonderful life… my sister Anne !

 

 

For all these years you have been running, running and running after yourself, after the sun, after destiny, after your children, after sisters who no longer come home, after…, after… Time has passed, sweeping away the memories of your childhood, leaving only an abyssal void in its place. An emptiness that let the cold in and the warmth of a sibling that wrapped you in its protective wing. Today, you run so fast that you become invisible to the eyes of those close to you, and you run out of breath with sadness. You’re running and you don’t even know it. You run in the middle of everyone… and with the greatest indifference of all.

For all these years you talk and talk and talk but you don’t listen to others. You don’t listen, you don’t want to! Or maybe you can’t. To survive you have to talk, you have to communicate and say things. You have to whisper, whisper, whisper, talk, talk, talk, talk, talk all the time. « Tell me, Sister Anne, has speech finally freed you from this life that is slipping through your fingers? Tell me big sister, do you finally find the well-deserved rest? The rest of the just, the rest of a woman who only aspires to inner peace. « You talk about everything, about nothing, about your classes, your students, your program, your love for your dogs and cats. You talk to anyone who will listen to the breath of your silence, the breath of your solitude… you who is alone in the middle of everyone, alone in the middle of your own family.

Perhaps it’s the wear and tear of time or parts: a simple obsolescence programmed from the moment of your birth. It may also be the wear and tear of the couple: a husband who no longer sees you, who no longer looks at you, who no longer desires you or who no longer makes love to you. It may also be the opposite: a husband that you see too much, that you can no longer see, not even in painting. A husband who – you – weighs … with all his weight on your little sparrow’s body. Maybe it’s just all this at once or nothing at all, just pure spleen, a grey cloud over your head, a long depression and desolation about a lifeless life.

Maybe it’s a job that over the years, from classroom to classroom, has taken over a life that you would have liked saltier, sweeter and certainly more colourful. Maybe it is a disease that you have faced alone, with courage but alone… in the midst of everyone. A disease that may have taken you too much or taken everything: your identity as a woman right down to your ovaries, your libido, the joy of spring days, your love for life and which leaves you with a bitter taste when you imagine your future of solitude.

So Anne, my sister Anne, come back! You will never be alone. We are here! Look! Look around you:

« I see trees of green, red roses too
I see them bloom for me and you
And I think to myself what a wonderful world

I see skies of blue and clouds of white
The bright blessed day, the dark sacred night
And I think to myself what a wonderful world

The colors of the rainbow so pretty in the sky
Are also on the faces of people going by
I see friends shaking hands saying how do you do
They’re really… »

   

                      Ibonoco                                                                                                                                                                              

18 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Beau texte, John.
    Eh oui, à force de courir courir courir, on peut devenir invisible aux yeux des autres, voire invisible à soi-même !

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    1. ibonoco dit :

      Merci Jean-Louis,
      Touché !
      Amitiés
      John

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  2. Maux&Cris dit :

    Merveilleux monde pour les uns, porcherie pour les autres ! Souvent on n’est ni totalement dans l’un, ni dans l’autre. Les jours se suivent et nous amènent indifféremment bonheurs ou malheurs. A nous d’avaler tout cela sans indigestion.
    Beau texte John ! et une si belle musique….
    Régis

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    1. ibonoco dit :

      Merci Regis de tes mots.
      Les jours se suivent effectivement avec leurs lots de bonheur ou malheur, bonnes ou mauvaises choses, et il nous faut vivre, parfois survivre et espérer.
      Bonne soirée Régis
      John

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  3. iotop dit :

    Bon jour John,
    Un texte sans concession sur le tracé d’une vie qui pose aussi le bilan d’un état du côté passif très lourd et d’un crédit d’une possible aide de l’autre … une vie gâchée ? Sommes nous aussi sur ces lignes ?
    Bonne soirée à toi, John.
    Max-Louis

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Max-Louis,
      Je me le demande tous les jours. Et je n’ai encore aucune réponse, juste quelques impressions et le sentiment que le temps passe trop vite.
      Bonne soirée Max-Louis
      John

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  4. Solène Vosse dit :

    Eh oui…. Et combien courent après ce qui n’existe pas. Res-pi-rer…. Et se souvenir que dans la nature, où il n,y a pas de wifi, c’est là qu’on est le mieux connecté. Ici, maintenant….
    Mais il n’est jamais trop tard pour déjà mîeux faire. Puis bien faire.
    Parfois une pause s’impose. Voire même prendre du recul, pour mieux prendre son élan. Un nouvel élan.
    Bon weekend à toi, John.

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Solène,
      Il n’est jamais trop tard, et heureusement. Un peu d’espoir fait du bien.
      Bonne soirée Solene.
      John

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      1. Solène Vosse dit :

        Toute belle journée John !

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        1. ibonoco dit :

          Merci Solène,
          Profite également. J’adore cette période de l’année.
          John

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  5. Très touché par ton texte John ! Je te souhaite un excellent weekend, 😊
    Amitié,
    Frédéric.

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    1. ibonoco dit :

      Merci Frédéric.
      Tres touché également de ton commentaire
      Belle soirée
      John😊

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  6. Lazuli Biloba dit :

    Regarder autour de soi, belle recette pour qui aspire à un peu de sagesse ! Merci pour ce beau texte qui nous invite.

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    1. ibonoco dit :

      Merci de tes mots, sincèrement.
      John

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  7. marie dit :

    Bonjour John, comme ils sonnent justes tes mots, il me font réfléchir, moi la bavarde, mon père me disait que pendant les bombardements, réfugiés dans la cave de l’immeuble ,les adultes apeurés retenaient leur souffle et moi, je parlais , je parlais comme une enfant de 4 ans, après coup, je me dis que c’était déjà pour faire reculer l’angoisse, qui reste toujours tapie au fond de moi, je suis ainsi, je reste comme ça et cela je pense jusqu’au bout de ma route. Bisous et bon après-midi MTH

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Marie,
      Merci de tes mots, de tes mots qui parlent de toi, et de ton enfance.
      Nous sommes ainsi, certains préfèrent le silence à la parole, d’autres la musique des mots à la profondeur du silence.
      Belle journée Marie
      Amitiés
      John

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  8. C’est très beau ce texte pour une sœur qui se perds dans sa vie et ses soucis, qui se perds tant qu’elle en oublie ceux là tous proches. C’est la preuve s’il en fallait une d’une belle sensibilité. Belle fin de journée John et amitiés.

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Catherine,
      C’est l’histoire d’une famille et d’une sœur qui a oublié de vivre, un jour comme cela, au fils du temps et des intempéries.
      Merci de tes mots justes Catherine.
      Amitiés
      John

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