The Fisherman’s Voice

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Une petite histoire de pêcheur…

« En 1184, Les Taira avaient quitté Yashima pour aller prendre position à Kojima, en Bizen. 30 000 cavaliers Minamoto installèrent leur camp près de là à Fujito, les deux troupes n’étant séparées que par un un étroit bras de mer peu profond. Moritsuna, un chef Minamoto paya un pêcheur afin qu’il lui indique un gué pour cavaliers. Il engagea la bataille mais assassina le pêcheur de peur d’être trahi et jeta son corps dans les flots.

La mère du pêcheur vient reprocher son crime à Moritsuna (1ère partie du nô). Dans la 2ème partie, Moritsuna se repentit en faisant dire des prières pour le salut du pêcheur. L’esprit de ce dernier et crie sa haine à Moritsuna. Mais les prières sont entendues et le salut du pêcheur est assuré. »

 

LE PÊCHEUR

Contre toute attente
Se voir arracher la vie
Voilà qui est, plus que traverser la mer à cheval,
Chose extraordinaire.
Aussi bien il m’est difficile d’oublier ;
Sur la roche de ce banc de sable
Il m’a amené,
En tirant sa lame froide comme la glace
Il m’a transpercé la poitrine.
Etant transpercé et sur le point
De m’évanouir
J’ai été poussé dans la mer
Noyé dans la mer sans fond !
Par le flot qui descendait à ce moment
J’ai été emporté,
J’ai été le bois fossile qui tantôt flottait, tantôt s’enfonçait
Et qui dérivant entre les rochers, s’est accroché.
Des fonds de Fujito
En me faisant le mauvais génie
J’ai pensé me venger.
Mais vos prières inattendues
M’ont permis de monter dans la barque sainte1.
Dès lors dans la barque du salut,
Je vogue, piquant
La perche que je pousse.
Je traverse la mer de la vie et de la mort ;
Comme il a été demandé (pour moi) sans effort
J’ai atteint cette rive
Et, délivré, mon être devient buddha.
Oui, mon être est devenu buddha.

1La barque qui permet de traverser l’océan des morts et renaissances successives et d’atteindre « l’autre rive », c’est-à-dire le nirvana.

Zeami ou Zeami Motokiyo ou Kanze Motokiyo (1363 – 1443), in Anthologie de la poésie japonaise classique, Collection Poésie, Editions Gallimard, Paris, 1988, pp. 201-202, est un acteur et l’un des grands dramaturges de l’histoire du théâtre japonais. Il est aussi le théoricien du nô. Il fondera avec son père, Kan’ami Kiyotsugu, l’école Kanze.

 

A little fishing story…

« In 1184, the Taira had left Yashima to take up a position in Kojima, Bizen. 30,000 Minamoto cavalrymen set up camp near there at Fujito, the two troops being separated only by a narrow, shallow inlet. In Moritsuna, a Minamoto chief paid a fisherman to point out a ford for horsemen. He engaged the fisherman in battle but murdered him for fear of being betrayed and threw his body into the sea.

The fisherman’s mother comes to blame Moritsuna for his crime (1st part of Noh). In the 2nd part, Moritsuna repented by having prayers said for the fisherman’s salvation. The fisherman’s spirit and cries out his hatred to Moritsuna. But the prayers are heard and the salvation of the fisherman is assured. »

 

 
THE FISHER

Against all odds
To have your life taken away
That’s what it is, more than crossing the sea on horseback,
Extraordinary thing.
As well it’s hard for me to forget;
On the rock of this sandbank
He brought me,
Pulling his ice-cold blade
He pierced my chest.
Being punctured and about to be punctured
To faint
I was pushed into the sea
Drowned in the bottomless sea!
By the flood that was coming down at that moment
I got carried away,
I’ve been the fossilized wood that sometimes floats, sometimes sinks…
And drifting between the rocks, got caught.
From the depths of Fujito
By playing the evil genius
I thought I’d get revenge.
But your unexpected prayers
Allowed me to board the holy boat1.
From then on in the boat of salvation,
I’m sailing, punchy.
The pole I’m pushing.
I cross the sea of life and death;
As it has been asked (for me) effortlessly
I reached this shore
And, delivered, my being becomes Buddha.
Yes, my being has become Buddha.

1The boat that allows one to cross the ocean of successive deaths and rebirths and reach « the other shore », that is, nirvana.

Zeami or Zeami Motokiyo or Kanze Motokiyo (1363 – 1443), in Anthologie de la poésie japonaise classique, Collection Poésie, Editions Gallimard, Paris, 1988, pp. 201-202, is an actor and one of the great playwrights in the history of Japanese theatre. He is also the theorist of Noh. He founded with his father, Kan’ami Kiyotsugu, the Kanze school.

 

21 commentaires Ajouter un commentaire

  1. marie dit :

    Bonjour John j’adore les légendes et cette histoire me plaît bien puisqu’à la fin le salut du pêcheur est bien là grâce aux prières. Bisous et bon après-midi MTH

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    1. ibonoco dit :

      Merci Marie
      Bisous et très bon après-midi
      Amitiés
      John

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  2. bigskybuckeye dit :

    John, I appreciate the diversity of your posts. My life feels enriched every time I visit. Take care!

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    1. ibonoco dit :

      Thank you my friend.
      Take care too 😊
      John

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  3. Lazuli Biloba dit :

    Les Japonais ne cessent de me fasciner. Il n’y a qu’eux pour parler avec candeur de la cruauté. Sans doute est-ce Bouddha qui leur permet de garder l’équilibre, et cette merveille d’harmonie esthétique, face à l’horreur. Mais ça ne me rassure pas pour autant… Merci John pour cette nouvelle pépite ! Danielle

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Danielle
      Le Bouddhisme Zen, qui me paraît rude quant à sa pratique, reflète assez bien l’esprit de ce texte ancien. Il parte à la fois de la violence, de la cruauté comme vous le soulignez, et l’espoir que l’on peut toujours attendre le nirvana, c’est-à-dire que l’on ne renaisse plus.

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    2. ibonoco dit :

      Bel après-midi Danielle
      John

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  4. Belle histoire. Tu connais celle de la grenouille et du scorpion ?
    Bonne journée, John !

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    1. ibonoco dit :

      Oui mon ami Jean-Louis.
      C’est d’ailleurs une histoire dont je me sers souvent.
      Belle journée Jean-Louis
      John

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  5. Je découvre Kanze Motokiyo. C’est beau ! 😊

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    1. ibonoco dit :

      Merci.Frederic 😊

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  6. Gerdesilets dit :

    cela m’a rappelé une vieille légende asiatique

    Dans un village de pêcheurs c’est arrivé
    une idole sur le bord de l’eau était placée
    grâce à des rubis dans ses yeux placés
    les inondations elle devait alors repousser
    .
    mais une nuit des voleurs les ont volés
    les pécheurs paniqués le village ont évacué
    alors les voleurs sont revenus pour piller
    mais un raz-de-marée est alors arrivé
    .
    ainsi tous les voleurs furent vite noyés
    dans leurs poches les rubis on a trouvé
    et dans les yeux de l’idole furent replacés
    ainsi le village fut à nouveau bien protégé
    .

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    1. ibonoco dit :

      Merci Gérard d’avoir partagé ce texte. Mon idole est rassurée. 😊

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  7. Belle légende japonaise!

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    1. ibonoco dit :

      Merci Marie-Christine
      Belle soiree

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  8. princecranoir dit :

    Je vais attendre un peu avant d’embarquer pour l’autre rive, néanmoins très beau film de Kiyoshi Kurosawa dont cette histoire réveille le souvenir lointain.

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    1. ibonoco dit :

      Merci pour la référence.

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  9. colettedc dit :

    Merci pour cette légende John!
    Bon lundi tout entier,
    Amitiés♥

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    1. ibonoco dit :

      Mais je t’en prie Colette
      Excellent lundi également 😊
      Amitiés
      John

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  10. Que c’est beau cette légende John….et la musique qui nous transporte
    et nous entraîne dans sa course…!
    Amitiés

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    1. ibonoco dit :

      Merci Manouchka,
      Cela nous change de notre quotidien, de cette sinistrose.
      Et j’ai adoré ce morceau il y a longtemps et adore toujours ce titre
      Amitiés

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