A family story

(Réédition du 3 décembre 2018)

La famille ? C’est tout une histoire ! Une histoire que l’on se raconte au fil des années, que l’on vit jour après jour et l’on – se – transmet au gré des souvenirs affleurant à la surface d’un présent parfois récalcitrant.

La famille ? Ce sont toutes ces têtes qui disparaissent du paysage de la vie pour venir les unes après les autres s’enfermer dans un album… de famille. Un album que l’on ouvrira une fois par siècle et par hasard, parce que c’est l’hiver, qu’il fait froid à l’extérieur et que l’on est bien mieux assis près d’un foyer de cheminée. Alors, comment raconter cette histoire ? Comment ne pas oublier les p’tites choses les plus élémentaires qui l’ont écrite et ont égrené tous ces moments partagés ?

Cette histoire, elle est celle de la tendre et épaisse main de cette femme, gonflée par l’âge, usée par une vie de labeur et qui du bout de ses doigts tordus par l’arthrose, transmet son amour, sa dignité, son accent et sa bonté sur le front de chacun de ses enfants et petits-enfants. Et elle les a élevés avec amour tout au long de sa route, de Kotor à Lyon, des Balkans à la rue Jules Valensaut, des champs du Monténégro au quartier de la Plaine. Et les guerres ? Elle en a vu et traversé des guerres… mondiales. Elle en a vaincu des peines et connu des deuils vert-de-gris perpétrés par le pas cadencé de ces soldats sans âmes qui souvent lui ont presque tout pris… Cette histoire ? Elle est celle de cette main qui ne trembla jamais sous le poids du passé et de l’âge et qui aujourd’hui prolongent ses racines en chacun de nous parce que jamais elle ne cessera de vivre après quatre-vingt-trois ans…

Comment transmettre une émotion, un geste ou faire revivre le temps d’un éphémère souvenir un passé à tout jamais révolu ? Il y en a tant et tant de ces fragments de vie tombés dans les oubliettes sans fond de la mémoire…

Cette histoire de famille, de la famille, de toutes ces personnes encore présentes dans la tête de quelques individus devenant de moins en moins nombreux, cette histoire ? Elle est encore celle de cette douce douce main maternelle, celle de cette rassurante caresse d’une mère passée dans les cheveux soyeux de son enfant au moment du coucher, avant d’aller le laisser s’en aller rejoindre le pays imaginaire des songes et des contes de fée…

Une autre fois, elle n’est autre que celle de la pensée réfléchie d’un père sur l’ombre du regard de son fils quand ce dernier pense qu’il est à la fois l’univers et les dieux alors qu’il ne se connaît même pas encore. A ce père, il lui en a fallu du génie et de la matière grise, à coups de truelle, d’équerre, niveaux et plâtre pour bâtir sa famille sur les fondements de la philosophie de son vécu, toujours avec ce regard perçant, critique et existentialiste qui est le sien.

Cette histoire de famille ? Elle est aussi le doux reflet du visage d’une sœur, d’un frère, d’une autre sœur… et encore d’une sœur dans la clarté de la mémoire d’une enfance qui jamais ne reviendra ; déjà elle est trop loin, trop floue, n’ayant fait que passer très vite, toujours trop pressée de grandir et toujours hâtant le pas, l’un après l’autre. Et en toute inconscience, en toute insouciance, sur les pavés noircis d’un temps qui n’a que trop peu duré, elle s’en est allée sans dire : « Au revoir les enfants ! ».

La famille ? C’est tout une histoire, des tas d’histoires, des fragments de vie, des instants fugaces, des mots sur des maux, des éclats de rire, des pleurs étouffés par un départ toujours trop précipité, une main qui se tend, une engueulade pour rien qui dure des années, beaucoup de tendresse et d’amour.

Ibonoco

Family? That’s quite a story! A story that we tell each other over the years, that we live day after day and that we pass on to each other through memories that surface on the surface of a sometimes recalcitrant present.

The family? It’s all those heads that disappear from the landscape of life to come one after the other to be locked up in a family album… of family. An album that we open once a century and by chance, because it’s winter, it’s cold outside and we’re much better off sitting by a fireplace. So how do you tell this story? How can we not forget the most elementary things that wrote it and spelled out all these shared moments?

This story is the story of the tender, thick hand of this woman, swollen with age, worn out by a life of toil and who, with the tips of her fingers twisted by osteoarthritis, transmits her love, dignity, accent and kindness on the forehead of each of her children and grandchildren. And she has raised them with love along the way, from Kotor to Lyon, from the Balkans to Jules Valensaut Street, from the fields of Montenegro to the Plaine district. And the wars? She saw and went through wars … world wars. She has overcome pain and experienced green-grey mourning perpetrated by the rhythmic pace of these soulless soldiers who often took almost everything from her… This story? It is the story of a hand that never trembled under the weight of the past and of age, and which today extends its roots in each one of us because it will never cease to live after eighty-three years…

How can we transmit an emotion, a gesture or bring back to life the time of a fleeting memory a past that is forever gone? There are so many and so many of these fragments of life that have fallen into the bottomless dungeons of memory…

This story of the family, of the family, of all these people still present in the heads of a few individuals becoming fewer and fewer, this story? It is still that of this gentle mother’s gentle hand, that of this reassuring caress of a mother passing through her child’s silky hair at bedtime, before letting him go off to the imaginary land of dreams and fairy tales?

Another time, it is none other than that of a father’s thoughtful reflection on the shadow of his son’s gaze when the latter thinks he is both the universe and the gods while he doesn’t even know himself yet. This father needed genius and grey matter, with trowel, square, levels and plaster to build his family on the foundations of the philosophy of his life, always with this piercing, critical and existentialist gaze of his.

This family history? It is also the gentle reflection of the face of a sister, a brother, another sister… and still a sister in the clarity of the memory of a childhood that will never return; already it is too far away, too blurred, having only passed by very quickly, always in too much of a hurry to grow up and always hastening the pace, one after the other. And in all unconsciousness, in all carelessness, on the blackened cobblestones of a time that lasted too little, she left without saying: « Goodbye children! ».

The family? It’s a whole story, lots of stories, fragments of life, fleeting moments, words about ills, bursts of laughter, tears stifled by a departure that is always too hasty, a hand reaching out, a quarrel for nothing that lasts for years, a lot of tenderness and love.

Ibonoco

15 commentaires Ajouter un commentaire

  1. lisapascaretti dit :

    Tout simplement : merci pour ce beau texte qui m’a touché !

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    1. ibonoco dit :

      Merci Lisa. 😊
      Je suis touché à mon tour.

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  2. ❤👨‍👩‍👧‍👦❤

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  3. Beau texte, chaque famille a une histoire bien a elle et souvent compliquée!

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    1. ibonoco dit :

      Et à la fin, le temps fait son œuvre et nous disperse dans le vent faisant taire toute discorde
      Belle soirée Marie-Christine
      John 😊

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  4. Très bien racontée, cette histoire de familles(s).
    Bonne soirée à toi, John.

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    1. ibonoco dit :

      Merci Jean-Louis,
      Belle soirée également 😊
      John

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  5. marie dit :

    Bonsoir John, c’est les larmes au bord des yeux que j’ai lu ton texte, magnifique, avec tes mots les images venaient, merci pour cette pure émotion Bisous MTH

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Marie
      Je te remercie de ta sincérité de ton émotion. Parfois, la magie des mots opèrent et touche le cœur du lecteur. Merci encore
      Bises et bonne soirée
      Amities
      John

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  6. charef dit :

    On se retrouve dans cette famille qui traverse les générations et que tu décris si bien. Merci pour ce partage.

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    1. ibonoco dit :

      Bonsoir Charef,
      C’est une histoire – comme tu le dis – qui traverse les générations et qu’il ne faut pas oublier 😊
      Amities
      John

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  7. colettedc dit :

    Oui, toutes et tous avons notre hisroire de famille qu’il fait bon nous remémorer en ce temps de l’année ! Merci pour ce bon partage !
    Bon week-end John,
    Amitiés♥

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  8. Toutes les familles n’ont pas une histoire aussi bienveillante mais chacun de nous avons une histoire avec la famille. Merci de ce texte plein de douceur John et belle soirée. Amitiés.

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Catherine,
      C’est joliment bien énoncé Catherine. Nous avons chacucn une histoire avec la famille, nous la portons, transmettons ou la fantasmons parfois.
      Belle et douce soirée à toi.
      Amities
      John

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