Ambulatoire

(Réédition du 13 novembre 2018)

 

AMBULATOIRE

Aux alentours de dix heures, à une ou deux minutes près et quelques secondes de trop qui se courent après, les unes derrière les autres : ici, le temps n’a plus vraiment d’importance…

Une chambre double avec vu sur le parc, des arbres magnifiques au feuillage jaune, d’autres – un peu à la traîne – n’ont pas encore revêtu leur habit d’automne et arborent fièrement un vert foncé jusqu’au bout de chaque feuille. Le quartier est paisible. Parfois l’on entend le bruit d’un moteur dans la rue ou celui d’une ambulance qui rôde du côté du bureau des admissions.

Deux lits occupés que l’on peut régler à l’aide d’une télécommande : le lux absolu ! tandis que du couloir remontent les discussions, les bruits des chariots passant de chambre en chambre, les pas plus ou moins pressés résonnant sur un carrelage usé et les grincements de portes qui sans cesse, s’ouvrent et se ferment sur un monde que l’on abrite et cache, celui de la maladie, de la douleur et parfois des pleurs.

Ambulatoire ! Nous sommes tous des « ambulatoires » ! Un jour c’est toi, un autre c’est moi, et demain ce sera peut-être elle, lui, le facteur, le plombier, mon chien ou mon chat. Un jour tu te lèves – comme tous ces autres jours – , tu prends quelques affaires – comme tous ces autres jours – , tu prends le métro – comme tous ces autres jours – , mais tu ne vas pas bosser. Aujourd’hui n’est qu’une parenthèse, un répit, un trou dans le mur de l’activité professionnelle. Le travail, ce sera pour demain, pour après-demain et pour tant et tant d’autres jours… mais pas pour aujourd’hui ! De toute façon, il t’en reste combien de jours à trimer pour faire monter le PIB ? Encore une tranche de vie, une sacrée bonne tranche de vie, à condition que cette dernière soit d’accord avec toi. C’est peut-être là l’unique question, la seule : ta vie, est-elle d’accord – et non en accord – avec toi ?

Ambulatoire ! Nous sommes tous des « ambulatoires » ! Aujourd’hui, c’est toi. Quelle chance ! Pas de job, pas de mails professionnels, pas d’emmerdes, d’anicroches ou d’accrochages, pas de management empirique, pas d’appels téléphoniques ou de décisions à prendre. Rien ou presque : la vie sociale s’est retirée une petite journée et tu es là, attendant que cette dernière veuille enfin bien se terminer pour simplement rentrer chez toi.

Aux alentours de onze heures, à une ou deux minutes près et quelques secondes de trop qui se courent après, les unes derrière les autres : ici, le temps n’a plus vraiment d’importance… Il s’en est allé par la fenêtre rejoindre les arbres du parc, retrouver la grisaille de cette fin de matinée qui s’étire en longueur, tous ces bruits qui font un quotidien et n’en ont pas même conscience. Le temps s’en est allé, il s’est tiré, il a filé à l’anglaise, et toi tu es là ! Tu es las, las ! seul et tu l’attends le temps, juste le temps d’un instant, espérant son retour comme toujours.

Ibonoco

J’attendrai

 

OUTPATIENT

Around ten o’clock, one or two minutes away and a few seconds too long that are running after each other: here, time is no longer really important….

A double room with a view of the park, magnificent trees with yellow foliage, others – a little behind – have not yet put on their autumn clothes and proudly wear a dark green to the end of each leaf. The neighborhood is peaceful. Sometimes you can hear the sound of an engine on the street or an ambulance prowling around the admissions office.

Two busy beds that can be adjusted with a remote control: the absolute lux! while the corridor brings up the discussions, the noises of the carts passing from room to room, the rushing steps echoing on worn out tiles and the squeaking of doors that constantly open and close on a world that is sheltered and hidden, that of illness, pain and sometimes tears.

Ambulatory! We are all « ambulatory »! One day it’s you, another day it’s me, and tomorrow it may be her, him, the mailman, the plumber, my dog or my cat. One day you get up – like all these other days -, you take some things – like all these other days -, you take the subway – like all these other days -, but you don’t go to work. Today is only a break, a respite, a hole in the wall of professional activity. Work will be for tomorrow, the day after tomorrow and for so many other days… but not for today! Anyway, how many more days do you have to work to get the GDP up? Another slice of life, a hell of a good slice of life, provided that the latter agrees with you. Perhaps that is the only question, the only question: does your life agree – and not agree – with you?

Ambulatory! We are all « ambulatory »! Today, it’s you. How fortunate! No jobs, no professional emails, no trouble, no clashes or clashes, no empirical management, no phone calls or decisions to make. Nothing or almost nothing: social life has withdrawn for a short day and you are here, waiting for it to finally end and just go home.

Around eleven o’clock, about one or two minutes away and a few seconds too long running after each other, one behind the other: here, time no longer really matters… He went out through the window to join the trees of the park, to rediscover the greyness of that late morning that stretches out in length, all those noises that make a daily life and are not even conscious of it. Time went away, he got away, he ran away, he ran away like an Englishman, and you’re here! You are tired, tired, tired! alone and you wait for him for time, just for a moment, hoping for his return as always.

Ibonoco

 

 

 

14 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Nous sommes tous des « ambulatoires », et parfois sans le savoir !
    Bonne journée à toi, John.

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Jean-Louis,
      un jour ou l’autre…-
      Amitiés
      John

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  2. dandanjean dit :

    Nous sommes de passage et l’étape ambulatoire est un beau rappel de notre condition, parfois en attente, pas sage mais serein.

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    1. ibonoco dit :

      Nous ne sommes finalement que peu de chose mais de belles choses. Mais il ne vaut mieux pas être en mauvaise santé, à ce moment-là, nous ne sommes plus grand-chose et même presque plus humain.

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      1. dandanjean dit :

        Oui, c’est vrai, j’ai eu aussi à passer par là, me réveillant sur un lit d’hôpital, puis apprendre à composer avec le fait que j’étais devenu comme on dit ici, patient, et là ce fut toute une aventure. Merci pour cette réflexion partagée

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        1. ibonoco dit :

          C’est vrai que c’est une expérience ou une aventure. 😊

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  3. marie dit :

    Bonjour John c’est un texte magnifique, et oui nous sommes tous « des ambulatoires », et quand , comme le temps qui a filé , nous filerons vres d’autres cieux, la terre tournera sans nous… Bisous MTH

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    1. ibonoco dit :

      Merci Marie,
      Mais en attendant d’aller vers d’autres cieux, restons dignes, des hommes et des femmes.
      Bises Marie
      John

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  4. gibulène dit :

    l’Ambulatoire, surtout s’il est récurrent, est vite angoissant. S’ajoute souvent un sentiment de solitude profonde………… Soyons courageux! moi on m’explique à chaque fois que c’est trois fois rien ! mais quand tu essayes de te raisonner et qu’il te faut trouver une personne à contacter, une pour te véhiculer (parfois la mêe mais pas toujours), une pour garder le chat, et autres gracieusetés, la liste ressemble parfois à une oraison presque funèbre 😦 . Ici aucun arbre derrière la fenêtre, juste le mur de béton proche du bâtiment d’en face….

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    1. ibonoco dit :

      L’ambulatoire nous retire du monde des vivants le temps d’une journée ou demi-journée. Et il faut prendre toutes nos précautions comme si l’on partait au bout du monde.
      Et finalement, on n’est jamais certain d’en revenir… vivant.
      Bon je force le trait mais c’est l’angoisse tout de même.

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    1. ibonoco dit :

      Merci Marie-Christine 😊

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  5. colettedc dit :

    Oui, nous sommes si fragiles, en effet !
    Comme c’est bien écrit, John !
    Bon mardi,
    Amitiés♥

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    1. ibonoco dit :

      Merci Colette et bonjour,
      Bon mardi
      Amities
      John

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