La grasse matinée
Il est terrible
le petit bruit de l’oeuf dur cassé sur un comptoir d’étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l’homme
la tête de l’homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n’est pas sa tête pourtant qu’il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s’en fout de sa tête l’homme
il n’y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n’importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu’il n’a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ce vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines…
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l’homme titube
et dans l’intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
oeuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !…
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l’assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.
Jacques Prévert (1900 -1977) In Paroles, 1946, est un célèbre poète français. Il a également oeuvré pour le théâtre et le cinéma en ayant écrit des sketchs et des chœurs parlés , des chansons, des scénarios et des dialogues.
Bonjour John 🙂
Je me fais très rare ces temps… mais je n’oublie pas. Moins de disponibilités pour de nombreuses raisons. Mais bref ! J’essaie de me rattraper 🙂
Oui, Prévert ! Je ne connaissais pas ce texte. C’est drôle car la semaine dernière j’étais justement en train de relire les paroles de la « Complainte de GIlles » (de Prévert) :
Tristes enfants perdus
Nous errons dans la nuit.
Où sont les fleurs du jour,
Les plaisirs de l’amour.
Les lumières de la vie ?
…etc…
Bonne fin de week-end et à bientôt !
Biz et amitié de Dom
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Bonjour Dom,
C’est un plaisir que d’avoir de tes nouvelles. On ne peut être à plein temps sur le net. La vie est surtout celle de notre quotidien, celle de la « vie réelle ».
Prévert est un poète que j’affectionne particulièrement : des mots simples pour de très beaux textes.
Bonne fin de journée Dom.
Amitiés
John 😊
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Oui, je partage ton avis sur Prévert 🙂
Biz et bonne fin de journée 🙂
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Bizzz Dom
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Je ne me souvenais pas de ce poème de Prévert, j’ai pourtant dû le lire il y a longtemps, drôle et cruel à la fois!
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Bonjour Marie-Christine,
C’est un poème que j’ai eu il y a déjà bien longtemps au bac de français. Mon prof nous avait ouvert à la poésie. Aujourd’hui encore, je pense à lui et l’en remercie.
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et juste après ce texte il y a « Dans ma maison »
« Dans ma maison vous viendrez
D’ailleurs ce n’est pas ma maison
Je ne sais pas à qui elle est
Je suis entré comme ça un jour
Il n’y avait personne
Seulement des piments rouges accrochés au mur blanc
Je suis resté longtemps dans cette maison
Personne n’est venu
Mais tous les jours et tous les jours
Je vous ai attendue
Je ne faisais rien
C’est-à-dire rien de sérieux
Quelquefois le matin
Je poussais des cris d’animaux
Je gueulais comme un âne
De toutes mes forces
Et cela me faisait plaisir
Et puis je jouais avec mes pieds
C’est très intelligent les pieds
Ils vous emmènent très loin
Quand vous voulez aller très loin
Et puis quand vous ne voulez pas sortir
Ils restent là ils vous tiennent compagnie
Et quand il y a de la musique ils dansent
On ne peut pas danser sans eux
Faut être bête comme l’homme l’est si souvent
Pour dire des choses aussi bêtes
Que bête comme ses pieds gai comme un pinson
Le pinson n’est pas gai
Il est seulement gai quand il est gai
Et triste quand il est triste ou ni gai ni triste
Est-ce qu’on sait ce que c’est un pinson
D’ailleurs il ne s’appelle pas réellement comme ça
C’est l’homme qui a appelé cet oiseau comme ça
Pinson pinson pinson pinson
Comme c’est curieux les noms
Martin Hugo Victor de son prénom
Bonaparte Napoléon de son prénom
Pourquoi comme ça et pas comme ça
Un troupeau de bonapartes passe dans le désert
L’empereur s’appelle Dromadaire
Il a un cheval caisse et des tiroirs de course
Au loin galope un homme qui n’a que trois prénoms
Il s’appelle Tim-Tam-Tom et n’a pas de grand nom
Un peu plus loin encore il y a n’importe qui
Beaucoup plus loin encore il y a n’importe quoi
Et puis qu’est-ce que ça peut faire tout ça
Dans ma maison tu viendras
Je pense à autre chose mais je ne pense qu’à ça
Et quand tu seras entrée dans ma maison
Tu enlèveras tous tes vêtements
Et tu resteras immobile nue debout avec ta bouche rouge
Comme les piments rouges pendus sur le mur blanc
Et puis tu te coucheras et je me coucherai près de toi
Voilà
Dans ma maison qui n’est pas ma maison tu viendras. »
Prévert raconte les laisser pour compte, les sans abri , les vagabonds du coeur et de l’âme, tout cela en jouant avec les mots pour les faire sourire là où la gaieté est de sortie….
j’aime toujours ses textes pince sans rire.
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Merci pour ce poème.
Effectivement, Prévert s’est préoccupé des plus pauvres et c’est ce qui m’a plu.
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Je t’accompagne ! tant pour la grasse mat, que le café, que le rhum ! les oeufs… je les préfère mollets.
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Bonjour Milena,
Le rhum de bon matin, ça commence fort.
En tout cas, je te souhaite un très bon après-midi tout en décontraction et douceur.
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Merci John bonne et douce soirée
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Passe une agréable soirée également. 😊
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Toujours émue de lire Prévert… Je l’ai découvert à l’âge de 9 ans avec Le cancre, et depuis, il ne m’a jamais quitté 🙂
Bon dimanche, John
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Bonjour Laurence,
Ce poème me touche à chaque fois que je le relis.
Bon dimanche également 😊
John
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Bonjour c’est toujours une belle émotion de lire ces mots. Prévert, je ne m’en lasse pas. Bonne soirée Amitiés MTH
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Bonjour Marie,
Bonne soirée également, une très bonne soirée
Amitiés
John
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Je ne le connaissais pas non plus … Mais, pardon, je ne comprends pas le titre ! Mais bon c’est toujours un régal de lire du Prévert 😊
Bonne fin d’après midi John, amitiés.
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Pour le titre de Prévert ou celui de l’article ?
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Pour le titre de Prévert, la grasse matinée …
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La grasse matinée symbolise l’homme qui peut se lever tard parce qu’il n’a pas à se soucier de sa propre survie. Contrairement à celui, comme dans le poème, qui a faim et qui rôde de rue en rue à la recherche d’un emploi, d’un bout de pain…
Voilà en gros ce qu’exprime le titre.
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Une découverte pour moi que ce poème du grand Prévert. Grand merci.
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Mais je t’en prie.
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Ah ! Je trouve cela toujours si agréable, de lire du Prévert, John !
Super !
Amitiés♥
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Merci Colette.
Amitiés
John
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Merci John pour ce rappel d’un « classique » de Prévert. C’est vrai qu’il est terrible ce bruit, quand il remue dans la mémoire d’ l’homme qui a faim…
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Bonne journée et très bon lundi. 😊😊
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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😊😊
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Merci John pour ce poème émouvant de Prévert …
J’ai lu : » Ce poème au titre ironique : « La grasse matinée » est extrait de Paroles de Jacques Prévert, recueil paru en 1945, à la fin de la guerre, à une époque encore marquée par les restrictions (les tickets de rationnement subsisteront jusque dans les années 50). Il évoque la souffrance et le désespoir d’un homme affamé et met en cause la responsabilité de la société. Le poème se présente sous la forme d’un récit qui se déroule à Paris où les cafetiers mettent des œufs durs à disposition des clients sur les comptoirs. »
https://aufildelapensee.blog/2018/11/17/la-grasse-matinee-jacques-prevert/
Bonne soirée
Amitiés
Manouchka
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Merci de ces précisions Manouchka.
Prévert était sensible à la souffrance et misère dans ces poèmes… La grasse matinée en est une bonne illustration. Je le relis régulièrement. Avec de simples mots, Prévert arrive à montrer la misère et à toucher le lecteur ; c’est toute la magie de l’auteur ou plutôt son génie.
Amitiés
John
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