Mon amie Hélène

 

 

MADRIGAL

Si c’est aimer, Madame, et de jour, et de nuit
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit :

Si c’est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi même et d’être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre et me taire,
Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit :

Si c’est aimer de vivre en vous plus qu’en moi même,
Cacher d’un front joyeux, une langueur extrême,
Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :

Honteux, parlant à vous de confesser mon mal !
Si cela est aimer : furieux je vous aime :
Je vous aime et sait bien que mon mal est fatal :
Le coeur le dit assez, mais la langue est muette.

Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578

 

MADRIGAL

If to love, Madam, is to dream and long
and brood by day and night on means of pleasing you,
to be forgetful of all else, to wish to do nothing else
but adore and serve the beauty that wounds me,
If to love is to pursue a happiness which flies me,
to lose myself in loneliness, to suffer much pain,
to fear greatly and to hold my tongue,
to weep, to beg for pity, and to see myself sent away,
If to love is to live in you more than in myself,
to hide great weariness under a mask of joy,
to feel in the depths of my soul the odds against which I fight,
to be hot and cold as the fever of love takes me,
To be ashamed, when I speak to you, to confess my pain –
if that is to love, then I love you furiously,
I love you, knowing full well my pain is deadly.
The heart says so often enough; the tongue is silent.

Traduction D. B. Wyndham Lewis

 

Pierre de Ronsard (1524 – 1585) in Sonnets pour Hélène, 1578, est l’un des poètes français les plus importants du XVIe siècle, figure majeure de la littérature poétique de la Renaissance. De sa rencontre notamment avec Joachim du Bellay naîtra un groupe de poète : La Pléiade.

 

24 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Joli poème, Ronsard savait les tourner!

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Marie-Christine
      En effet, Ronsard reste un poète intemporel. 😊

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  2. papershots dit :

    Lovely Ronsard. Thanks for sharing this

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    1. ibonoco dit :

      Thank You and fois afternoon. 😊

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      1. papershots dit :

        A vous aussi! 🙂

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  3. iotop dit :

    Bon jour,
    Superbe, magnifico … les qualificatifs sont bien faibles … et le vivre c’est d’autant plus absolu que le corps et l’âme en sont transfigurés …
    Max-Louis

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Max-Louis,
      Que dire de plus ?
      Les mots ont parlé.
      Amitiés 😃

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  4. francefougere dit :

    Très subtil …Ronsard traverse les siècles 🙂
    Merci ! amicalement

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  5. J’aime ce poème, que dis-je j’aime, j’adore, j’idolâtre !

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  6. marie dit :

    Bonsoir, que c’est mots sont doux à l’oreille , j’espère que celle a qui ils été destinés , en fut tout émue. Bonne soirée MTH

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Marie,
      Je crois qu’il lui a même écrit toute une série de poèmes.
      Et très bonne journée 😊
      John;

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  7. gibulène dit :

    Merci John j’ai un petit faible pour les Stances à Hélène 😀

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Hélène avec un peu de retard. Oui, les vers de Ronsard sont superbement bien écrits. Bonne journée à toi dans le Sud 😊.

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  8. colettedc dit :

    Du solide, des mots qui ne se démodent pas !
    Bonne semaine John !

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Colette,
      La poésie dépasse les modes et le temps, quand la main d’un grand poète lui donne vie.
      Amitiés
      John

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  9. Domi Amouroux dit :

    Magnifique déclaration d’amour, au rythme des alexandrins. Je connaissais le sonnet à Hélène. Ma maman s’appelait Hélène…

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    1. ibonoco dit :

      Merci Domi,
      La poésie a ce pouvoir bien particulier de parler à l’âme et de perpétuer la mémoire de ceux que nous aimons.
      Amitiés
      Jojn

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  10. c’est « spleendide ». Je suis tout émue.

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    1. ibonoco dit :

      C’est un poème magnifique. Tu as raison. C’est la magie de la poésie et surtout des grands poètes

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  11. Edmée dit :

    Pauvre Ronsard qui souffre et aime furieusement… Qui sait s’il aura convaincu la belle, et s’il l’aura encore aimée une fois conquise?

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    1. ibonoco dit :

      Je pense qu’il aura souffert énormément. Hélène a dû obnubiler toutes ses pensées quand on lit l’émotion et les sentiments contenus dans ce poème.

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  12. gibulène dit :

    Bonjour John, je connaissais davantage le fameux Sonnet comme la plupart des gens et surtout des « Hélène » ! Madame de Surgères a reçu de Monsieur de Ronsard l’éternelle jeunesse !

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Hélène,
      Nos amis de la Pléiade ont encore des secrets à nous révéler mais chut ! il ne faut pas le dire. 😉

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