La passion de Joachim

 

JE PARDONNE A LA DOUCE FUREUR

 

Maintenant je pardonne à la douce fureur
Qui m’a fait consumer le meilleur de mon âge,
Sans tirer autre fruit de mon ingrat ouvrage
Que le vain passe-temps d’une si longue erreur.

Maintenant je pardonne à ce plaisant labeur,
Puisque seul il endort le souci qui m’outrage,
Et puisque seul il fait qu’au milieu de l’orage,
Ainsi qu’auparavant, je ne tremble de peur.

Si les vers ont été l’abus de ma jeunesse,
Les vers seront aussi l’appui de ma vieillesse,
S’ils furent ma folie, ils seront ma raison,

S’ils furent ma blessure, ils seront mon Achille,
S’ils furent mon venin, le scorpion utile
Qui sera de mon mal la seule guérison.

 

Joachim du Bellay (1522 – 1560), in Les Regrets, publié en 1558 est un recueil écrit à l’occasion de son voyage à Rome entre 1553 et 1557. Connu tout d’abord sous le nom de Brigade, il fonde avec Pierre de Ronsard La Pléiade, un groupe de sept poètes composé de Jacques Peletier du Mans, Rémy Belleau, Antoine de Baïf, Pontus de Tyard et Étienne Jodelle. Ce groupe avait notamment pour but de donner des lettres de noblesse à la langue française, Du Bellay rédigera un manifeste dans ce sens : la Défense et illustration de la langue française. 

26 commentaires Ajouter un commentaire

  1. karouge dit :

    « Si les vers ont été l’abus de ma jeunesse,
    Les vers seront aussi l’appui de ma vieillesse,
    S’ils furent ma folie, ils seront ma raison, »

    (petite variante philosophique?)

    Si les verres ont été l’abus de ma jeunesse
    Les vers seront aussi les fruits de ma vieillesse,
    S’ils furent ma déraison, ils seront mes ultimes passions….

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    1. ibonoco dit :

      C’est une belle variante
      Et quand le verre est bu
      On ne peut même plus s’appuyer sur soi-même.
      😊

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  2. Denis Morin dit :

    Comme ces Poètes ont dit toute la vie ! Et si joliment et si simplement !
    « Heureux qui comme Ulysse »…

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    1. ibonoco dit :

      « …a fait un long voyage ».
      Bon dimanche Denis. 😊

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  3. iotop dit :

    Bon jour,
    Ce texte me ressemble … 🙂 (même si je suis qu’une tache d’encre devant l’immensité de ce poète).
    Merci pour ce partage.
    Max-Louis

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    1. ibonoco dit :

      Merci Max-Louis.
      Excellente journée et un peu d’écriture. 😊

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  4. Je suis étonnée par la modernité de ce poème ! Décidément, les classiques résistent au temps qui passe !

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    1. ibonoco dit :

      Je le suis aussi – étonné. C’est notamment pour cela que j’ai choisi de le mettre en ligne.
      Merci et bonne fin de journée

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      1. Merci à vous pour la découverte ! Bonne soirée !

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        1. ibonoco dit :

          Bonne soirée…

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  5. Beau poème, plein de nostalgie!

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    1. ibonoco dit :

      Oui Marie-Christine.
      Bon dimanche

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  6. lanefauxmillerunes dit :

    « Si les vers ont été l’abus de ma jeunesse,
    Les vers seront aussi l’appui de ma vieillesse,
    S’ils furent ma folie, ils seront ma raison,

    S’ils furent ma blessure, ils seront mon Achille,
    S’ils furent mon venin, le scorpion utile
    Qui sera de mon mal la seule guérison. »
    C’est fulgurant combien ces vers touchent à une forme d’universalité de l’alchimie poétique . Ravie de découvrir. Merci donc pour le partage

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    1. ibonoco dit :

      Merci d’apprécier.
      Ces vers sont intemporels.
      Bon dimanche.

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  7. Khalil Gibran dit que la poésie n’est pas une opinion qu’on exprime, mais une chanson qui s’élève d’une blessure saignante ou d’une bouche souriante. Victor Hugo répond qu’il est des blessures dont un cœur généreux peut rarement guérir : la cicatrice en reste, et François de Sales leur répond qu’ils ont beau dire, mais le cœur parle au cœur et la langue aux oreilles, et je partage les trois propos tant ils illustrent de manière juste cette très belle poésie sombre, triste, sensible, profonde, intense de ses sentiments, de ses émotions, de sa douleur, de sa passion, de sa vie, de sa mort, de sa résilience, de son pardon à la douce fureur. Un poème qui touche à l’âme par sa beauté, sa sensibilité, sa profondeur. Merci Ibonoco.

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    1. ibonoco dit :

      Ce sont effectivement de très belles « illustrations » de ce que la poésie peut faire naître en chacun de nous et de ce qu’elle permet possible pour l’homme : l’expression de ses émotions et donc de son humanité la plus intime.
      Merci à vous, et bel article aujourd’hui… 😊
      Excellente soirée

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      1. « l’expression de ses émotions et donc de son humanité la plus intime. » Merci Ibonoco et très belle soirée aussi.

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        1. ibonoco dit :

          Très bonne journée.

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        2. Merci! Très bonne journée aussi

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  8. J’aime beaucoup ce texte qui a traversé le temps…
    Je le ressens, ici, comme un hommage à la poésie, à cette douce passion,
    dont l’encre soulage le coeur du poids qui l’afflige …!

    Merci pour ce partage John…
    Bonne soirée
    Manouchka

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    1. ibonoco dit :

      Merci Manoucka.
      Effectivement, c’est un hommage à la poésie et à nos portes d’antan.
      Amitiés
      John

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  9. colettedc dit :

    Magnifique poème qui a traversé les âges !
    Bonne semaine !

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    1. ibonoco dit :

      Merci Colette,
      Excellente semaine.

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