Sortir ce soir…

 

Hiver 1986, une journée au lycée dans le 8ème comme il y en a tant eu…

Ce soir-là, la nuit – glacée et pesante – est vite tombée sur la ville sans un mot, sans un cri, comme à son habitude en cette saison où le froid règne en maître. Pour autant, s’il n’a pas dégelé de la journée, on est loin de la rigueur de l’hiver précédent où il a fait jusqu’à – 20° C ; même les vitres des fenêtres portaient fièrement une petite couche de glace à l’intérieur des habitations…

Depuis le petit matin, les cours au lycée se succèdent en suivant toujours le même rythme, heure après heure, minute après minute, tuant chaque seconde pour les faire renaître en une éternité insoutenable qui durera jusqu’à 17 heures 30. Heureusement, chaque demi-journée d’étude est entrecoupée d’une pause où toutes les énergies accumulées peuvent se libérer. On fume des clopes, discute, rigole en buvant un café ou un chocolat. Et quand on avance dans le couloir, juste après le réfectoire, il y a la grande salle du fond avec ses deux baby-foot Bonzini, ses quatre flippers, ses tables de ping-pong et même sa radio FM – très active. Ici, l’enseignement est stricte, les profs sont d’un autre temps et sévères et les journées très longues mais cette salle de jeux est un vrai luxe, un monde dans un monde. Elle permet à l’esprit de s’évader sans sortir de l’enceinte du lycée pour ensuite lui faire reprendre docilement le chemin de l’écoute et de l’apprentissage intellectuel. Et pour les inconditionnels de la liberté non surveillée, il y a toujours la possibilité de sortir de l’établissement, d’aller à la boulangerie du coin dont la patronne doit être milliardaire en francs – avec tous ces élèves affamés – ou d’aller boire un café au Berchet, au Relais sur l’avenue Berthelot ou au Bocage près du boulevard des Etats-Unis.

Sortir un moment, respirer l’air de la ville à pleins poumons, puis boire un café noir ou un demi dans un troquet, c’est tout de même plus sympa que de rester enfermer dans un temple fût-il même de l’Éducation nationale. L’ambiance y est bonne dans ses bistrots de quartier ! L’animation est au rendez-vous, on sent battre le pouls de la vie dans nos veines et sur nos joues. Quand on pénètre à l’intérieur, on a l’impression de pousser les portes de quelque endroit malfamé et de sortir de la routine de notre quotidien de lycéen. Les odeurs de tabacs blonds et bruns, de cafés chauds, se mêlent en un arôme subtil qui imprégneront nos vêtements jusqu’au prochain lavage. La configuration des lieux est souvent la même : une grande salle avec ses vieilles tables en bois polis par les mains de générations entières de buveurs de bières, de p’tits blancs ou de cafés, un comptoir auquel s’accrochent les vieux habitués, de jeunes apprentis dealers et quelques éternels étudiants, un juke-box qui fredonne ses meilleurs titres et un peu à l’écart, une salle où tous les jeux sont permis, le tout dans une hygiène parfois bien douteuse…

A 17 heures 30, la sonnerie de la fin des cours retentit pour les plus chanceux, les élèves des classes prépa continueront au moins encore une bonne heure – un concours ça se bûche ! L’entrée dans la vie active se rapproche à grands pas pour toute une génération… mais ce n’est pas encore l’heure. La période est encore à l’insouciance d’une vie sans rides, des soirées infirmières du jeudi soir, des concerts entre potes, des week-ends à la plage dans le Sud…

A 17 heures 30, les journées en hiver ou plutôt les nuits sont longues, bien trop longues pour un moral en quête de lumière. Et chaque matin, on se lève encore drapé dans le noir de la nuit pour rentrer ensuite du lycée et prendre son bus dans le noir d’un soir déjà commencé sans surprise. Sur l’avenue Berthelot, matins comme soirs, la vie ne s’arrête jamais de circuler sur cette grande artère de la ville sauf peut-être pour certains devant les grilles du grand cimetière de la Guillotière. Matins comme soirs, on va, on vient, on s’affaire, on court pour ne pas arriver en retard au travail, et à la nuit tombée, on rentre enfin chez soi rejoindre la chaleur des bras tendus de ses enfants.

Mais ce soir-là, pas de révisions, pas de bus scolaire, pas de parents nous serinant toujours les mêmes bons conseils… Ce soir, on sort ! Ce soir, c’est l’aventure !

To be continued

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29 commentaires Ajouter un commentaire

  1. En 1986.. je n’étais que collégienne et je croyais que le collège c’était la prison ! Mais quelle liberté ensuite le lycée où nous nous imaginions que nous étions devenus adultes ! Ce texte est un vrai voyage dans le temps. Il me renvoie en tous cas à ma propre jeunesse, une trentaine d’années en arrière. Merci de m’avoir fait rajeunir le temps de quelques paragraphes. Belle et douce fin de journée !

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    1. ibonoco dit :

      Merci d’avoir emprunté les chemins du temps pour revivre le temps de quelques lignes cet air des années 80.
      Je suis en train d’écrire la suite. La fin de la journée décrite dans ce texte
      😊

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  2. En gros la même époque, autres lieux, même ambiance. Ça ne nous rajeunit pas tout ça 🙂
    C’est vrai ça que le temps a passé ? On devrait pouvoir y faire de petits voyages à volonté ! Juste pour le plaisir.
    Cela dit, j’attends la suite…
    Bonne soirée et Biz de Dom

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    1. ibonoco dit :

      Excellente soirée et merci. La suite arrivera. 😊
      Excellente soirée et bon combat contre les virus.

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      1. chuis en train de gagner le combat… mais je crois que j’ai offert la grippe à l’homme de ma vie. Il n’est pas très content 🙂
        Bonne soirée !

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        1. ibonoco dit :

          Bonne soirée et vitamines C

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  3. Celine Marie dit :

    Tout pareil! Je veux une suite!

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    1. ibonoco dit :

      Ce sera avec grand plaisir…
      Excellente soirée 😊

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  4. De bien chaleureux, nostalgiques et attendrissants souvenirs au temps insouciant des années collège et lycée. Je crois que la pire des punitions pour moi, c’était la colle du samedi matin pour faire des maths, mais il y avait aussi le plaisir suprême de transgresser les petites règles établies sans se faire prendre. Très beau texte qu’on aurait plaisir à lire au coin de la cheminée. Merci Ibonoco pour ces doux moments d’évasion qui alimentent agréablement nos propres souvenirs aussi.

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    1. ibonoco dit :

      Ce sont de vieux souvenirs qui restent encore très présents en moi. Je n’ai pas fini ce texte, il me reste à raconter la fin de cette journée et une rencontre improbable…
      Les petites transgressions sont nécessaires afin de mieux comprendre la règle et se développer ensuite en tant qu’adulte.
      Merci d’avoir apprécié ces moments d’une autre époque.
      Excellente soirée

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      1. Je crois qu’il faut transgresser même à un âge adulte, sinon quel mortel ennui! Et je lirai avec grand plaisir cette suite qui distille déjà du suspens… Merci Ibonoco et belle soirée à vous.

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        1. ibonoco dit :

          Merci et avec plaisir.
          Excellente soirée

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  5. Les souvenirs de jeunesse, en 1986 j’avais fini le lycée depuis 5 ans, j’étais à l’université, mais je n’avais pas connu ce genre de lycée, pas de salle de jeux dans le mien, c’était chez les soeurs et nous n’étions pas là pour nous amuser, il fallait travailler dur, ne serait-ce que pour justifier l’argent que nos parents payaient pour la scolarité!

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    1. ibonoco dit :

      C’était un lycée très stricte et moderne. Aujourd’hui encore, il est d’un bon niveau. C’était une autre peut-être. Peu de lycées publics à Lyon disposaient des mêmes infrastructures. Plus tard, même à la fac je n’ai jamais retrouvé de telles installation. Et c’était certainement mieux pour la réussi de mes études…
      Excellente soirée 😊

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  6. Quel beau scénario et quelle juste mise en scène de cette époque…!!!
    Tes entrelignes sont remplies d’images, pour mon plus grand bonheur,
    car je peux tout voir… imaginer …
    Et plonger dans mes propres souvenirs
    Tu es un raconteur hors-pair…
    Vivement la suite qui déjà m’intrigue ….

    Belle soirée John
    Manouchka

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    1. ibonoco dit :

      Merci Manoucka avec un peu de retard. J’apprécie sincèrement les compliments concernant la narration.
      Pour la suite, j’espère que je saurai aussi bien la raconter.
      Très bonne journée
      Amitiés
      John

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      1. Je n’en doute pas une seconde John…
        À tout bientôt…
        Manouchka

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  7. lanefauxmillerunes dit :

    Les incroyables années lycée ; époque du grand écart entre déraison assumée et quête vers l’âge adulte ! Maintenant que je sais qu’il va y avoir une suite … je vais passer la moitié de la nuit à m’ imaginer un tas de scénarios 😀

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    1. ibonoco dit :

      Ce sera une suite vécue. Il faudra que j’arrivenà la faire vivre et rendre intéressante.
      Merci d’avoir apprécié
      Excellente journée à toi 😊

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  8. colettedc dit :

    En 1986, j’étais au travail depuis plusieurs années déjà. Cet article si complet nous fait revivre de ces moments de cet âge, quoi que différents, certes mais non moins semblables. Merci pour cette belle page !
    Bon mardi !

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    1. ibonoco dit :

      Bonjour Colette,
      Je vous remercie. Les années 80 ont été riches en innovations, cultures, musiques et malheureusement maladies. Mais elles ne nous ont pas laissés indifférents. Peut-être étions-nous plus jeunes ?
      Très bon mardi Colette

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  9. charef dit :

    Très beau souvenir auto biographique. On s’y croirait. Merci de partager ces bons moments du passé.
    Charef

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    1. ibonoco dit :

      Merci Charef de votre retour.
      Excellente journée.

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  10. bernard25 dit :

    Bonjour ou bonsoir mon amie , ami

    La mélodie du cœur
    Celle que l’on entend qu’une fois et qui nous transporte si loin
    Au delà des nuages et au delà des paysages

    La mélodie du cœur ne s’invente pas elle s’écoute
    Elle est si belle
    La mélodie du cœur
    Elle nous transporte, fait pousser des ailes d’anges dans le dos
    Qu’elle te transporte au paradis là ou tout est éternel
    Que ce weekend à venir soit une explosion de bonheur avec tes proches
    Bonne journée ou belle soirée
    gros bisous
    Bernard

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    1. ibonoco dit :

      Merci de ces vers matinaux

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